lundi 27 février 2017

La vie est dure, moi aussi. 16



Un jour qui commence pour vite le terminer et raccourcir le décompte.
Un décompte pour aller vers une autre étape qui ne sera peut être pas plus confortable que celle que je vis actuellement mais on espère toujours que le différent sera mieux, c'est humain.
Tout ce temps libre que l'on doit m'envier ... Et dont je ne fais rien. 

Je ne lis pas, je ne peins pas, mon cerveau est incapable de lire et mon corps incapable de me porter longtemps.
Je suis devenue limace sur un lit.
Limace sans projet puisque mon calendrier n'est plus que provisoire et s'ajustera en fonction de mes fonctions. 


Chaque jeudi dans Charlie, je lis l'éditorial de Philippe Lançon, je sais que ses mots vont avoir une résonance et me consoler. Ce n'est pas parce que je mets une échelle à la douleur et à la violence, c'est parce que Philippe Lançon écrit merveilleusement et que chacun de ses mots emboités parfaitement dans une phrase me parlent avec grâce de son quotidien depuis plus de deux ans.
Et juste en dessous il y a le billet de Mathieu Madénian dans une autre forme d'émotion.
Il écrit bien Mathieu, il y a en lui une pudeur de l'émotion qui me bouleverse complètement.
Parfois, il arrive à tout masquer, à dire et c'est tout. Et d'autres fois il déborde et l'on voit ses mots pleurer sans pudeur. 

Je les aime ces deux rescapés de la vie.
Peut-être qu'ils se disent comme Beckett : Je ne peux pas continuer, je vais continuer.



dimanche 26 février 2017

la vie est dure, moi aussi. 15






Depuis que j'écris les billets de ma saison "la vie est dure" j'ai tout de même énormément ri, rien ne pouvant m'empêcher de le faire puisque la zone de douleur pipiland n'est pas affectée par l'éclat de rire. 

Le brancardier et son avis éclairé sur le style rétro  des  couvertures des lits de l'hôpital avait déjà fait une belle ouverture sur les quelques bons moments qui allaient suivre. 


Après que l'on m'ait remontée dans ma chambre après l'intervention et que je vasouillais lamentablement entre deux eaux, je me suis rendue compte que j'avais les fesses dans une mare de sang. Jno est allé chercher une infirmière et l'interne est arrivé sur ses talons. 

Jusque là rien de vraiment drôle et personne n'avait envie de rire même pas moi. 


L'interne en soulevant le drap me dit : - Est ce que vous pouvez faire la grenouille ? 
J'entends bien sa question même si je suis vasouillarde,  je me la répète dans ma tête vide : Il faut que je lui fasse la grenouille ... Le mec me demande de lui faire la grenouille ... 
Franchement on ne m'a jamais demandé un truc pareil ! Surtout à l'hôpital et au réveil d'une anesthésie. 
Je me concentre tant que je peux car je sais qu'il y a un piège, un truc à la maître Capello, un piège pour les néophytes en mots croisés. Est ce qu'il faut que je coasse ou que je croasse ??? Je ne sais plus si c'est le corbeau ou la grenouille, mais lui l'interne il veut la grenouille. J'ai l'impression d'être la main sur le buzzer et de perdre un temps fou à remettre de l'ordre dans mes souvenirs. Depuis que je suis gamine, je sais  qu'un jour on me la posera cette question et que je me planterai, pourtant j'en suis certaine, je le sais, je vais m'en souvenir et lui faire ce qu'il attend,  un coassement ou un croassement.
Il faut qu'il me laisse du temps, je vais marquer le point.
Et d'ailleurs il attend patiemment l'interne et au moment où il pose sa main sur ma jambe en insistant gentiment,  je lui demande : - Ah,  pour la grenouille vous parliez de ses jambes ? 
C'était ça !! 
Je n'ai pas osé lui avouer ce que j'avais imaginé. 
Je vais le revoir, je lui raconterai. 
La vie est dure et drôle à la fois. 

vendredi 24 février 2017

La vie est dure, moi aussi. 14




Une journée semblable aux autres qui passe avec le seul intérêt de faire diminuer le nombre du compte à rebours pour le 6 mars.

Une fin de journée en forme de projet qui apparaitrait presque comme une sortie de fête puisque je vais m'habiller, mettre des chaussures et mon petit manteau pour aller au vernissage de l'expo de peinture de la commune voisine.

On m'avait demandé d'y accrocher trois aquarelles et je leur avais confié trois belles Indiennes de l'Inde en face.

J'ai fait le tour de l'expo accrochée au bras de Jno pour éviter les pièges des boitiers de câbles au sol en me  demandant ce que mes Indiennes étaient venues faire dans ce salon ... 

J'ai croisé une multitude de gens que je ne connaissais pas et un bon nombre que je connaissais et c'est ce qui m'a sans doute bien plus épuisée que de rester debout. 

Dans ce bon nombre que je connais, seuls trois m'ont parlé. 

Une seule m'a demandé sincèrement de mes nouvelles et alors que je me tournais vers son mari, j'ai vu le visage de ce dernier pivoter vers la droite avec une moue affolée.

La deuxième rencontre qui m'a parlé était une volubile qui m'a demandé comment j'allais bien et j'ai dit :-Pas trop en ce  moment. Et elle m'a rétorqué que elle aussi, elle avait la vie empoisonnée par un gros rhume qui durait. Là, je me suis juste dit : -Ouf je ne l'ai pas embrassée.

La troisième rencontre qui m'a adressé la parole était un qui sortait aussi de l'hôpital mais lui c'était le bras alors il a pu tout nous raconter, le sciage de l'os, la broche, l'insensibilité des doigts, qu'il ouvrait ses tubes de peinture avec les dents car il pouvait quand même peindre car heureusement c'était le bras gauche qui était scié... Et puis il ne m'a pas demandé ce qui m'était arrivé, heureusement qu'il s'en foutait totalement.
Il m'aura donné l'occasion de vérifier in situ que  parler d'un bras blessé c'est quand même drôlement plus facile que d'aborder pipiland et compagnie.

Après ces trois rencontres totalement déprimantes, je suis allée m'échouer sur une chaise la tête dans un ficus loué à Jardiland.

Et quand les discours se sont tus, nous nous sommes sauvés.

J'ai fini la soirée à la maison pliée par la douleur à parler à ma vessie et à lui dire de se calmer mais elle est sourde ma douleur. 

Ma douleur est sourde et me saoule. 

La vie est dure, moi aussi. 13


Le 6 mars. 
Il faut  attendre et faire le décompte des jours jusqu'au 6 mars.
Après il faudra savoir si je suis "étanche" comme le dit mon fils.
J'ai aimé qu'il emploie ce mot plein de délicatesse pour évoquer le problème crucial qui se profile éventuellement et pour lequel il faudrait retourner entre les mains d'argent d'Edward pour m'étancher.
J'ai regardé les synonymes du verbe étancher et j'ai bien aimé y trouver :  satisfaire, assouvir, accomplir, contenter ou apaiser.
J'ai moins aimé lire : éponger, sécher, racornir, flétrir ou dépérir ...
Le 6 mars, ce sera la sainte Colette. Colette du grec niké, victoire. Prénom dérivé de Nicolas
Sainte Colette est une Picarde. Comme moi.
Le 6 mars, c'est l'anniversaire de Michel Ange, de Cyrano de Bergerac et de Georgette.
Le 6 mars ...

mercredi 22 février 2017

La vie est dure, moi aussi. 12




J'apprends de nouveaux mots, j'enrichis mon vocabulaire médical.
C'est la partie passionnante d'un parcours santé chaotique, tous ces nouveaux mots dont on commence par faire la connaissance physiquement.
C'est un peu comme dans la vie, on rencontre quelqu'un, on ne le connait  pas mais on le voit, on peut le toucher et ensuite on sait comment il s'appelle. 


Alors hier, j'ai appris ce nouveau mot le CRBD. C'est d'ailleurs un acronyme, mais je viens d'aller vérifier sur Google, un acronyme est bien un mot (formé des initiales de plusieurs mots).
Dans le cas de mon nouveau mot, le CRBD est formé des mots anglais "
Catheter-Related Bladder Discomfort, ce qui signifie  syndrome d’inconfort lié au sondage vésical. Il s’agit d’envies d’uriner permanentes et douloureuses pouvant également évoluer par spasmes" Mes sources d'information sont les publications de l'Association Française d'Urologie. 

Cela arrive à peu près dans 50% des cas, donc on peut dire aussi que je deviens nettement moins performante dans mes chances de gagner si l'on considère que j'ai remporté le précédent gros lot avec seulement 0,2% des risques. Là finalement j'en deviens presque banale, enfin, on va dire à moitié, faut pas charrier non plus.

Je prends plein de médicaments pour calmer tout ça et surtout je voudrais expliquer à ma vessie qu'il faut qu'elle soit tolérante.
Hier soir,  j'ai pris un peu de temps pour lui parler, pour lui dire qu'il fallait qu'elle y mette du sien et j'y suis allée direct en lui disant :  
- Bien sur il y a une locataire qui est arrivé chez toi depuis la semaine dernière mais  cette coloc (un peu imposée je dois te le concéder), il faut que tu l'acceptes. Je te promets que ça ne va pas durer, alors tu fais un petit effort pendant encore 12 jours, jusqu'au 6 mars très exactement. Ça ne sert à rien de faire tout ce cirque pour chercher à t'en débarrasser, de toute manière tu n'y arriveras pas et tu te fatigues pour rien.
Et c'est surtout moi que tu fatigues mais ça tu t'en fous complètement, ce n'est pas le bon angle pour te faire comprendre ...
Donc je vais te reparler de ta coloc que tu n'aimes pas et te donner des recommandations pour essayer de vivre avec elle plus calmement. 

  • Ça n'est que du provisoire. (je me répète, mais elle part le 6 mars)
  • Ignore la, ne cède pas à ses provocations car en plus, c'est exactement ce qu'elle cherche : t'énerver. (elle a un petit côté pervers ... )
  • Fais lui une petite place en lui cédant un peu de terrain. Il vaut mieux un mauvais  accord qu'un bon procès ...
  • Surtout ne te mets pas en colère en l'expulsant, tu n'y arriveras pas car on est encore en période de trêve hivernale (Loi ALUR )

Voilà ! Je te demande de respecter ces consignes de bon voisinage.
Pas la peine d'en faire des caisses non plus  et d'organiser la fêtes des voisins !
Je compte sur toi.

mardi 21 février 2017

La vie est dure, moi aussi. 11




Mes journées débutent trop tôt alors que je n'ai rien à faire et je pense à ceux qui commencent la journée pour aller travailler, ceux qui terminent la journée car ils ont fini de travailler. Ils se croisent presque sous mes yeux d'insomniaque pendant que mes pensées rongent mon cerveau et que mes pensées sont les plus terre à terre qui soient.

Je n'avais jamais réalisé combien il était déstabilisant de perdre une fonction dans son corps. J'avais eu l'expérience d'une fracture ou autre accident ou opération qui immobilise une partie du corps mais jamais cette expérience de perdre temporairement  la fonction d'un organe.
Je n'ai plus à faire pipi mais mon cerveau ne l'a pas compris.
Plusieurs dizaines d'années de conditionnement ne doivent pas s'effacer ainsi, surtout que j'appartiens à une génération où les mères éduquaient leurs enfants à être "propres" avec fermeté et là, depuis six jours je dois dire à mon cerveau qu'il n'a plus à s'occuper de ça.
Je dois lui dire : - Laisse tomber, je sais que j'ai envie de faire pipi, mais tu peux te brosser, je n'irai pas. Alors je lui dis, mais avant même que je lui ai dit, j'ai déjà senti mon corps qui se mettait en marche, mon dos qui se soulevait, mes bras qui s'appuyaient, tout mon corps qui  se mettait en route pour les toilettes. Cela ne dure qu'une fraction de seconde à peine mais ça m'énerve, ça m'use. J'engueule mon cerveau mais il s'en fout totalement. Il est programmé et il fait son job comme un vieil ouvrier consciencieux.
Je voudrais que ma vessie ne se rebelle plus, qu'elle ne me parle plus et qu'elle accepte d'être assistée pour encore presque deux semaines.
Hier Jno ma dit le mot qui tue.
Il m'a dit : - J'arrive pour t'aider à la cuisine, je vais juste pisser avant. Je lui ai répondu : - Quelle chance tu as, moi j'en rêve de pisser !
Un truc si simple alors que tout le monde rêve de gagner au loto, moi mon rêve c'est de pisser. 

Pour quand-même ne pas rester sur un billet qui littérairement, atteint je dois le reconnaître les limites d'une conversation de cour d'école maternelle, je vais terminer avec Samuel Beckett qui dans l'Innommable fait dire à son personnage qui n'est plus rien, un homme réduit à sa plus simple expression et qui a seulement la conscience d'avoir une conscience :
"Je ne peux pas continuer. Je vais continuer"

lundi 20 février 2017

La vie est dure, moi aussi. 10




C’est une feuille jaune sur laquelle il y a toute une série de questions sur votre séjour et il faut cocher l’émoticone qui correspond à votre réponse qui va du grand sourire extatique à la moche grimace. Je remplis le questionnaire à toute vitesse, c’est très simple, je ne coche que  les sourires extatiques et les sourires ravis.
Et je vais rendre ma feuille jaune que je glisse dans une boite à la réception.
Je ne suis pas dans un hôtel 4 étoiles, je suis simplement en train de quitter un hôpital, le CHU de Nimes.
Au moment où je rends mon questionnaire je me dis qu’il n’est pas possible de se contenter de cocher des émoticones hilares pour parler de la qualité de mon séjour.
Je voudrais leur dire autrement.
J’ai consacré du temps et de la rage à écrire sur ceux qui m’avaient maltraitée, je suis aussi capable d’écrire sur ceux qui ont exprimé autant d’empathie et de professionnalisme à mon égard.
La chambre particulière m’était-elle réservée ? Je ne le saurai jamais. Même si j’avais exprimé ma préférence pour une chambre que je ne voulais partager avec personne, je savais que cela n’est jamais une certitude à l’arrivée.
Cette chambre 2057 était là et semblait m’attendre et j’en ai pris possession comme d’un cadeau inespéré me préparant à vivre ces quelques jours tant appréhendés.

Et vous êtes entrés dans cette chambre qui était devenue pour quelques jours MA chambre en vous comportant comme des invités qui rentrent en se présentant par leur prénom et leur fonction : - Bonjour, je suis Laura votre infirmière de nuit, Bonjour, je suis Christophe infirmier et nous allons passer la journée ensemble …
Je ne savais pas si il fallait que je vous réponde : - Bonjour, je suis Véronique, la patiente de la chambre 2057 et je vais partager aussi votre journée. Je disais juste bonjour, car je n’aurais pas voulu que vous pensiez que j’ironisais.
Lorsqu’il s’est agi de mon intimité, vous avez été simples et sans infantilisation, me laissant mon libre arbitre, pour décider et en me faisant confiance sur les règles d’hygiène à observer avant l’opération.

Le matin, quand vous m’avez installée sur le brancard pour me conduire au bloc, vous avez pris la couverture de mon lit en la posant sur moi et en me disant : - Ce sera mieux, ce matin il fait un peu frais dans les couloirs. Et puis pendant les très longues minutes où vous m’avez poussée, vous vous êtes un peu laissé aller à des confidences sur ces couvertures : - Vous ne les trouvez pas moches, vous, ces couvertures ? Moi je les trouve horribles, elles me font penser à celles que ma mère mettait sur tous les lits chez nous quand j’étais ado. D’ailleurs elle n’en mettait pas que sur les lits, y’avait des petits bouts carrés de ces couvertures trouées sur les tables, sur la télé. Ça s’appelle comment ces trucs ? Ah oui ! des napperons vous dites.
Je vous ai demandé si vous n’habitiez pas chez « La mère à Titi » et vous avez soudain rigolé en poussant le brancard vers les portes du bloc.

Vous  m’avez endormie, mais avant vous avez eu le temps de me faire un numéro de séduction à deux. Lequel je trouve le mieux ? Je ne sais pas, je vous trouve « le mieux » tous les deux et vous riez et vous êtes beaux.

Vous  m’avez réveillée. Une main chaleureuse s’est posée sur mon bras pour me dire que tout allait bien. Vous m’avez demandé de noter ma douleur et vous avez fait préparer une dose de morphine. J’ai bien entendu la fin de votre phrase à l’adresse d’une consœur infirmière : - … ça suffira, c’est un petit gabarit.
Je suis percluse de douleur mais une onde de bonheur me submerge à l’idée d’être perçue comme « un petit gabarit ». Moi qui me trouve parfois un peu alourdie par les années, je me sens soudain rassurée, je reste à vos yeux, un petit gabarit.

Vous êtes l’interne qui viendra me voir tous les jours et je vous découvre alors que l’on vous a appelé pour intervenir sur la mare de sang dans laquelle mes fesses pataugent soudain.
Vos gestes sont rapides et efficaces et vous me demandez l’autorisation de m’examiner intimement : - Je vais vous faire un toucher vaginal et je vais vous faire mal, mais je dois aller enlever des caillots et voir ce qui se passe.
Vous me demandez l’autorisation de pénétrer mon intimité.
Cette simple question me permet de me détendre et de vous faire une totale confiance.
J’ai le souvenir encore violent et brulant d’une femme médecin de Toulouse qui, il y a quelques mois, m’a examinée brutalement et douloureusement sans aucun mot pour m’en prévenir auparavant et même pendant.  Son geste pénétrant est encore dans ma mémoire car je l’ai vécu comme un viol sur mon intimité.
Là, vous me demandez si vous pouvez !!! … Et je me dis que vous avez dû lire les romans de Martin Winckler ou Mes mille et une nuits de Ruwen Ogien.
Ou tout simplement vous êtes un homme respectueux de la femme qui est allongée devant lui et qui a besoin de lui.

Votre fonction de chef de service n’a pas gonflé votre ego et vous  avez toujours pris le temps de discuter et de m’expliquer avec précision et sans mensonge ma pathologie  lors de nos rencontres qui n’étaient jamais protocolaires mais empruntes de gravité, de bonne humeur et d’empathie.

Vous venez faire mon lit et retaper mon oreiller en me racontant vos enfants et leurs études. Lorsque vous refermez la porte, vous me dîtes : - Merci pour ce moment de discussion.

Vous venez me dire bonsoir en faisant votre tournée de nuit et me montrez la sonnette accrochée à la potence en me disant :- Le bouton rouge, c’est celui sur lequel il faut appuyer si vous avez le moindre besoin, la moindre douleur. Nous sommes là pour ça, il faut appeler.
J’ai soudain l’impression que je n’appelle peut-être pas assez et que vous craigniez que ce ne soit par discrétion. Je vous rassure, je vous promets d’appeler si j’ai besoin de vous.

Quand j’ai rempli ce feuillet jaune en cochant tous les émoticones hilares, j’ai eu le sentiment que c’était bien peu par rapport au réconfort que vous m’aviez apporté pendant ces quelques jours passés au CHU.
Je voulais vous l’écrire avec des vrais mots, des vrais sentiments.
Je voulais que l’on sache qu’au CHU de Nimes les soignants sont humains.

La vie est dure, mais à leur côté elle l'était un peu moins.

dimanche 19 février 2017

La vie est dure, moi aussi. 9



Tout n'est plus qu'une question d'organisation qui bouscule nos habitudes mais qui ne deviendra jamais une habitude. 
Une petite télé posée sur une pile de livres.
Un lit transformé  en bureau, en canapé, en table basse mais qui reste toujours un lit.
Un sac indien qui transporte un autre sac qui se remplit doucement et me fait fredonner I went to the market mon p'tit panier sous mon bras ...
Une longue attente à laquelle je ne dois pas penser.
Une colère que je dois contenir.

Je lis les billets de Philippe Lançon, je lis son attente, ses déceptions, ses espoirs.
Je lis ses mots parfaitement emboités qui me laissent toujours en attente de son prochain édito.
Je lis ses mots qui sont sans pardon, ses mots qui disent que la vie est dure et lui aussi.

samedi 18 février 2017

La vie est dure, moi aussi. 8






Quand la nuit est longue l'iPad devient votre meilleur ami, un ami qui ne vous juge pas si vous regardez "Les reines du shopping" en replay à 3h00 du matin. 
C'est bien pour cela qu'il est mon ami si précieux dans la solitude de ces nuits sans fin. 
Ce n'est pas lui qui va prétendre que "Mes nuits sont plus belles que vos jours", il sait que mes nuits ne sont pas belles alors ils les rend drôles et débiles. 
Cette nuit j'ai assisté à la transformation de Claudine 54 ans, desperate housewife à la chevelure en poil de caniche orange qui ne portait que des leggings (je ne savais pas qu'on pouvait n'avoir que ça dans sa garde robe !) et des tee shirt à pailettes,  en executive woman sosie de Meryl Streep dans Le diable s'habille en Prada.
J'ai arrêté le replay pour le deuxième sujet, Alexandre 43 ans qui ne portait que des tee shirt à l'effigie du groupe Police. Il avait l'air un peu irrécupérable et moins drôle.
Claudine l'executive woman, m'a bien rendormie.
Le replay de M6, ça vaut largement du Lexomil.

vendredi 17 février 2017

La vie est dure, moi aussi. 7



Nuit en puzzle et jour en pièces. 
C'est la vie à l'hôpital. 
Prendre les bonnes nouvelles avec philosophie et accepter les mauvaises avec la même philosophie. 
Cette philosophie peut aussi s'appeler :- Ne croire que la parole d'Edward, les autres paroles devant aussi être écoutées mais sans susciter aucun enthousiasme. Il n'y a que Edward qui sait ce qu'il a vu et ce qu'il doit dire.
Je me demande si Ruwen Ogien l'exprimerait ainsi mais je suis certaine qu'il comprendrait ce que je j'appelle l'enthousiasme raisonné à l'hôpital.
Pichaya me dit aussi :- L'hôpital c'est comme un avion, tu rentres dedans et ensuite tu te laisses aller, tu es bien, tu es dans les mains du pilote. 
Le problème c'est que dans un avion, je ne me laisse jamais aller, c'est la trouille irraisonnée. Je n'ai pas osé l'avouer à Pichaya.
Aujourd'hui on va dire que demain est autre jour et que quand le vent se lève, il faut tenter de vivre.

jeudi 16 février 2017

La vie est dure, moi aussi. 6



La journée  de trek intensif se passe bien grâce à des accompagnateurs quatre étoiles auxquels je décernerais volontiers une quatrième.
Je suis rentrée à la guest house.

Jamais dans ma vie de patiente (experte), je n'ai eu face à moi autant de témoignages de compassion et d'empathie.
Et même sans aller si loin dans le sentiment, ils sont tout simplement polis, aimables et chaleureux
Je n'avais jamais vécu cette situation où un soignant quel qu'il soit, entre dans ma chambre en se présentant par son prénom et son titre.
Jamais une parole infantilisante, jamais un geste qui ne soit pas expliqué.
Je me dis qu'ils ont dû tous faire un stage intensif avec Martin Winckler (Marc Zaffran). Ou alors ils ont lu le Mes milles et une nuits de Ruwen Ogien ... (je n'ai pas la prétention de croire qu'ils lisent mon blog mais je sais que c'est le cas pour certains, et  dans ce cas, qu'ils sachent tout ce que je pense d'eux car quand c'est bien je suis aussi capable de le dire.
Je n'ai pas que des coups de gueule dans ma vie même si elle est dure et moi aussi. 

mercredi 15 février 2017

La vie est dure, moi aussi. 5



Installation plutôt confortable dans ma guest house. 
Le trajet par la highway a été tranquille, on a trouvé sur le bord un resto qui nous a servi un bon thali et il y avait même du café.
Chambre particulière et owner parlant une langue que je comprends parfaitement bien. Même pas besoin de l'anglais pour échanger. 
La salle de bain est propre, il y a l'eau chaude et une belle douche mais comme d'habitude il a fallu que j'aille réclamer un rouleau de PQ...
Et le top du top, c'est une connection internet qui fonctionne parfaitement, je me pince pour y croire. 
Il n'y a pas l'air d'avoir trop de moustiques, je devrais passer une nuit tranquille. 
Je viens d'avoir l'horaire pour le trek de demain : départ en tête à 7h00 du matin. 
Je redonne de mes nouvelles dès que je suis rentrée à la guest house. 
Namaste



mardi 14 février 2017

La vie est dure, moi aussi. 4



Hier soir, une visite de routine chez la dermatologue qui me demande de mes nouvelles. Elle est vaguement au courant de mes problèmes actuels de santé car je lui en ai parlé le mois dernier mais elle s'en fout un peu. Là, il se trouve qu'elle a du temps à passer, sa patiente suivante lui ayant fait faux bond ce dont d'ailleurs elle ne cesse de se plaindre et d'argumenter en me disant qu'il n'y a plus aucun respect pour les médecins. Il ne faudrait pas qu'elle continue à plaidoyer dans ce sens car je pourrais bien lui répondre ce que je pense du respect des médecins pour leurs patients.
Elle me dit : - Alors, ils sont réglés vos petits problèmes ?
Je lui réponds que non et que je me fais opérer cette semaine.
Elle continue à me questionner et au fur et à mesure de mon récit que cette fois-ci elle semble prendre au sérieux, elle prend un air catastrophé et me dit : - Mais j'espère qu'il va savoir ce qu'il vous arrive le chirurgien d'il y a sept ans !
Je lui dis qu'évidemment il va le savoir puisque c'est mon avocat qui va lui dire.
Et là, elle a de nouveau un air catastrophé mais qui ne ressemble plus du tout à celui qu'elle affichait quelques secondes auparavant. C'est "catastrophé", mais beaucoup plus perso si vous voyez la nuance qu'il peut y avoir entre ces deux notions de "catastrophé".
Et elle ajoute : - Vous n'allez pas faire ça !
Je lui dis : - Parce que vous imaginiez quoi ? (J'ai pas fait le What did you expect car sur le coup, j'hésitais avec What else et que de toute manière elle avait pas la tête à comprendre)
Et elle se lance dans un grand discours (en me dirigeant soudainement vers la sortie) comme quoi ce serait bien plus simple si le chirurgien d'il y a sept ans,  était tout simplement informé par le courrier d'un confrère.
Je lui réponds : - Il y a des choses dans la vie qu'il faut faire soi-même si on veut être certain qu'elles soient faites et bien faites.
Elle me tend la main pour me dire au revoir et elle a un air catastrophé très très perso.


vendredi 10 février 2017

La vie est dure, moi aussi. 3


Hier j'ai terminé Les mille et une nuits de Ruwen Ogien sur cette phrase : " ... la souffrance physique est un fait brut qui n'a aucun sens, qu'on peut expliquer par des causes, mais qu'on ne peut justifier par des raisons." Et point final, je referme le livre.
Je vais faire miens ces mots et ses mots qui disent tout ce que je pense et ressens depuis l'âge (si jeune) de 25 ans où j'ai compris que la souffrance physique ne m'apporterait jamais rien, ne me ferait jamais grandir, ne me donnerait jamais aucune prérogative sur les bien portants.
Cette pieuvre de douleur qui m'a fait durant toute une nuit souhaiter voir la mort arriver plutôt que de continuer à vivre la douleur qui me mangeait et me digérait.
Cette douleur à laquelle jamais on ne peut s'habituer et qui lorsqu'on l'a vécue une fois est un poison qui se nourrit de la douleur suivante tel le virus qui jamais ne vous immunise mais se rajoute indéfiniment vous infectant chaque fois un peu plus. 


Mes questions du jour sont vestimentaires.
Comment vais-je arriver à m'habiller en ressortant du CHU ?
Comment fait-on pour enfiler un jean sur un sonde urinaire ... Avec un collant et une robe, ce sera peut être mieux ... Je ne sais pas.
Je dis tout cela à Jno en m'endormant car je veux qu'il comprenne que j'ai aussi des préoccupations vestimentaires.
On arrive à une première conclusion, à savoir qu'il n'est pas question que je passe trois semaines en jogging ou truc pyjama moche informe. Jno me dit que ce sera l'occasion de mettre ma petite robe noire mais je lui fais remarquer que il y a peut être un juste milieu entre le jogging informe et la robe de cocktail.
On se dit surtout que cela aurait été beaucoup plus simple à gérer en plein été.
J'ai très mal géré mon planning sur ce coup-là. 


mercredi 8 février 2017

La vie est dure, moi aussi. 2



Hier un ami m'a appelée.
Je lui  dis combien je me sens seule malgré la chaleur de mes tout proches. Il ne comprend pas tout de suite et je lui explique que si j'avais des problèmes au genou ce serait sans doute plus simple pour venir m'en parler mais que là que je fais peur à la fois à ceux qui fuient la maladie et à ceux qui ne veulent pas entendre parler de ce que nous avons entre les jambes. Il me dit surpris et rigolard (je l'entends dans sa voix chaude qui traine l'accent de sa région, une voix que j'aime) : - Ah ! C'est pipiland qui fait peur ?
Oui, bien sur que c'est ce qui fait peur.
Il me dit :- C'est terrible, pourtant moi j'ai mal pour toi.
C'était suffisant pour me redonner un peu de courage, il avait trouvé les bons mots,  ces mots dits simplement qui me signifiaient que j'étais encore existante même dans le monde effrayant de pipiland.
Des mots qui me disent que je ne suis pas un déchet social et qu'il y aura peut être un jour encore un peu de glamour dans mon sourire.
Il est venu me dire que je ne lui faisais pas peur. 


En début d'après midi, j'ai fini par arriver à voir mon médecin généraliste.
Lui aussi, il a eu les mots pour me dire qu'il était là.
Devant mon débordement de larmes, il est parti découper un immense morceau du rouleau de papier qui recouvre sa table d'examen, me l'a tendu en disant : - J'ai trouvé un kleenex géant !
Il m'a expliqué tous les pourcentages écrits sur mon bilan, m'a rassurée en me disant clairement et distinctement que je n'avais pas d'infection mais que mes leucocytes en nombre étaient vraisemblablement dus à ma pathologie du sphincter urinaire traversé par un corps étranger.
Il a pris son temps, il voulait que je reparte sans larmes.
Il me reçoit sans me faire payer. Je sais que par ce geste qu'il a depuis que le diagnostic a été posé, il veut me dire que je suis invitée comme je le veux et quand je le veux à venir le voir dans son bureau.
Il me dit ainsi qu'à ses yeux, je ne suis pas qu'une patiente blessée mais aussi une femme qui a encore un peu de glamour dans son sourire. 


La vie est dure, moi aussi. 1



Il reste exactement une semaine avant que je ne sois au bloc entre les mains d'Edward.
Edward, c'est comme ça que je vais appeler ce chirurgien puisque j'ai décidé qu'il aurait des mains d'argent.
Alors qu'il ne devrait plus y'avoir qu'à attendre et me reposer comme tout le monde me le conseille sans savoir d'ailleurs quoi dire d'autre, rien ne va.
Hier le résultat de mon ECBU me dit que j'ai beaucoup trop de leucocytes mais beaucoup moins que je n'en ai eus dans le passé. Personne ne m'a jamais expliqué pourquoi j'avais cette anomalie dans mes analyses, on passe dessus comme sur tout le reste depuis des années. Mais aujourd'hui je suis inquiète car l'opération ne se fera pas si il y a le moindre doute sur mes résultats.
J'ai repris ma dose d'antibio hier soir.
Ce matin impossible de joindre la secrétaire d'Edward, ça sonne dans le vide, le vide partout.
Le secrétariat général du service me répond du bout des lèvres que c'est à mon médecin généraliste de s'occuper de moi et finit par me dire de leur envoyer le résultat de mon analyse, qu'elle vont le faire passer à Edward ...
Je pars chez le généraliste pour me rassurer, la salle d'attente déborde, treize personnes avant moi et pas une chaise pour m'assoir. Je renonce. Je suis incapable d'attendre plus de deux heures.
Retour à la maison en pleurant.
Je mets un sms à mon médecin généraliste pour lui demander de passer à la maison cet après midi.
La Vie est dure, moi aussi. Jusqu'à quand ?