mardi 18 mai 2021

Les dérives du vocabulaire de l'adoption

 

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Jusqu’à encore récemment, nous avions utilisé des mots simples, nous parlions de notre fille comme nous parlions de nos fils, nous pensions être des parents et nous étions une famille. C’était abrutissant de simplicité jusqu’à ce que l’indicible nous tombe sur la tête, jusqu’à ce jour où tout est devenu abrutissant tout court. 

Nous avions vécu trente-trois ans avec ces mots simples et soudain nous atterrissions dans un monde nouveau où les mots s’étaient transformés de la même manière que «la nouvelle cuisine» avait transformé de banales carottes en carottes glacées. Nous avions les mêmes ingrédients, mais ils avaient changé de noms, ces derniers avaient été relookés et disposés différemment dans l’assiette. Et comme pour la nouvelle cuisine, j’avais le sentiment qu’on essayait de me faire avaler une nouveauté merveilleuse, de me faire croire que tout était différent et soudain succulent, alors que dans la bouche, la carotte redevient carotte une fois que l’on a commencé à la mastiquer. 
J’avais vécu quarante-cinq ans en pensant être simplement une mère et brutalement en 2018, lorsque nous avons appris le trafic des adoptions internationales, je me suis pris un adjectif. De simple mère, je me suis retrouvé mère adoptive, je suis maintenant affublée de cet adjectif puisqu’il faut dorénavant, pour raconter l’histoire, préciser qui est la mère et de quelle manière elle l’est. Je commençais à peine à m’y faire en y trouvant l’avantage de ne plus avoir à répondre aux questions sur «la vraie mère», j’étais presque soulagée quand j’ai découvert que cet adjectif n’était plus utilisé et que le monde associatif parlait des «adoptants». 
Je précise que je redécouvrais le monde associatif de l’adoption dont je m’étais tenue à distance depuis trente ans. J’ai commencé par croire que les rédacteurs faisaient une faute et j’ai été assez naïve – encore une fois, mais là c’était acceptable – pour leur signaler la coquille. Et puis à force de lire que nous étions des «adoptants», j’ai fini par comprendre qu’ils avaient relooké le produit. Aujourd’hui les parents adoptifs sont devenus des adoptants. J’ai bien essayé d’expliquer que le verbe adopter employé au participe présent impliquait la notion d’une action en train de se faire, je me souviens avoir essayé de persuader mes interlocuteurs par de grands cours de sémantique et même des comparaisons hasardeuses avec le «ing» anglais et puis j’ai renoncé. Aujourd’hui j’ai presque intégré l’idée que nous sommes toujours en train d’adopter, c’est peut-être la raison de ce participe présent : venir me dire que ce ne sera jamais une action terminée. 
J’ai ensuite découvert une expression formidable : «Faire famille». Pendant assez longtemps, j’ai cru qu’il manquait un mot, un article, un sujet, mais non, c’est bien «Faire famille» et même pour l’écrire comme je le fais maintenant, j’ai une hésitation sur le clavier et crains que le correcteur que je vais passer à la fin de ma rédaction, ne soit lui aussi récalcitrant à un tel assemblage de mots. J’ai cherché ce que ça pouvait évoquer et quelles étaient ces choses, ces états ou même ces sentiments que je pouvais faire – comme cela était suggéré – de manière aussi directe. Il m’est venu immédiatement en tête des images inavouables dont je garderai le meilleur pour moi et ne vous livrerai que la plus touchante : «faire l’amour». C’est ainsi que chaque fois que je lis un article sur l’adoption et que je tombe sur cette expression indéterminée : «faire famille», je la remplace automatiquement par «faire l’amour» et tout est de nouveau bien calé et sonne juste.  
J’ai aussi découvert «les enfants à besoins spécifiques» et je regrette d’avoir commencé par éclater de rire en me disant que tous mes enfants avaient eu des besoins spécifiques et qu’en plus chacun d’entre eux en avait eu des différents, c’est bien le principe du «spécifique» ! 
Ce n’est qu’après avoir relu plusieurs fois cette expression que je l’ai rapprochée des personnes malentendantes, des personnes malvoyantes des personnes à mobilité réduite, des personnes de petite taille et sûrement de tas d’autres personnes que j’oublie et elles me le pardonneront, j’en suis certaine, car je n’ai pas l’habitude de ces classements. «Des enfants à besoins spécifiques» doit donc vouloir dire des enfants qui ont un handicap, mais que l’on préfère les appeler «à besoins spécifiques». C’est là aussi une idée étrange d’avoir cherché à déguiser une réalité, comme si au bout du compte, ça allait gommer le handicap. J’étais tellement intriguée par cette appellation que je suis allée me documenter – ceux qui me connaissent bien savent que même si j’écris une fiction, j’ai besoin qu’elle soit documentée – sur le site de l’Agence Française de l’Adoption et j’y ai trouvé les définitions suivantes qui sont loin de l’idée réductrice du simple handicap (si on peut le dire ainsi) : 

Les enfants sont dits à besoins spécifiques lorsqu’ils sont difficilement adoptables du fait de :
* leur situation personnelle (âge, fratrie, ethnie, situation stigmatisante, parcours de vie particulièrement compliqué, maltraitances, etc.)
* et/ou leur état de santé

Inutile de vous dire que cela n’a pas éclairé ma lanterne et l’a même carrément éteinte, surtout la précision de l’ethnie (en quoi pourrait-elle créer un besoin spécifique?) de même que «la situation stigmatisante» qui prend soudain une allure mystérieuse et effrayante en requérant des besoins spécifiques. 
Après cette recherche au résultat surprenant, ce que j’ai trouvé vraiment bien, c’est que ce concept de «l’enfant à besoins spécifiques» est une formulation tellement incohérente qu’elle intègre totalement l’enfant à n’importe quel autre enfant puisqu’au regard de la définition donnée par l’A.F.A., ils ont presque tous des besoins spécifiques.
Ça ressemble toujours à l’arnaque de la nouvelle cuisine, on ne change que l’appellation, mais on vous sert le même plat.  
Jusque-là, j’étais parvenue à trouver des formules de remplacement pour utiliser tout ce nouveau vocabulaire, mais quand j’ai lu qu’irrégulier n’était pas illégal et qu’il y avait des petits arrangements, j’ai atteint mes limites. Je ne pouvais plus m’adapter parce que ces mots-là n’ont pas d’excuses quand ils qualifient des adoptions. 
Je ne comprends pas non plus le mot «résilience», ce mot qui arrange tout, car il sert d’excuse pour dire avec les formes : «Résiliez-vous, résignez-vous». 
Le vocabulaire de l’adoption a dérivé, il s’est adapté aux dérives de l’adoption. 

Ce billet a été publié le 13 mai 2021 dans le blog Mediapart
https://blogs.mediapart.fr/les-engagees/blog/130521/les-derives-du-vocabulaire-de-l-adoption





lundi 17 mai 2021

Chronique pichayenne 04

 


Chronique pichayenne


Quelques jours après l’affaire du lit cassé – parce que le menuisier était un imbécile – et de la rencontre sous la douche avec Vasanty (voir l’épisode 1 des chroniques pichayennes), Pichaya m’avait totalement intégrée dans son cercle d’intimes. Ce qui avait favorablement raccourci le délai que tous les gens bien élevés respectent et dont Pichaya faisait partie, c’est que j’étais la mère d’un ami. Cette particularité d’avoir d’abord été l’ami du fils, car pour lui c’en était vraiment une, le faisait rigoler comme si l’histoire s’était déroulée dans le sens inverse de celui auquel il se serait attendu. Il avait toujours l’air de se surprendre lui-même et s’il y avait des guests à la Villa Pondichéry au moment où le souvenir de notre rencontre resurgissait, ils profitaient aussi de l’histoire de la rencontre dans le mauvais sens. 

Quelques jours plus tard après le lit donc, Pichaya avait dû (déjà) faire germer un projet dans lequel il m’avait associée et dont je n’ai aucun souvenir sauf que nous avions besoin de photocopies, des Xerox pour les initiés de l’Inde. Il avait évidemment besoin que je vienne avec lui faire ces photocopies et nous étions partis de chez lui pour aller au centre-ville. Une petite balade à pied d’un bon quart d’heure, ceux qui connaissent visualisent le parcours. Nous discutions sur le trajet, en marchant d’un bon pas – à l’époque cela ne posait pas de problème à Pichaya – lorsque j’avais soudain eu l’impression que nous étions suivis. «Avoir l’impression d’être suivi en Inde» peut passer pour un pléonasme, c’est pour cette raison que j’ai attendu assez longtemps pour confirmer mon impression. Toujours  pour ceux qui visualisent le trajet, j’ai dû attendre jusqu’au passage à niveau pour oser poser la question à Pichaya : «Le mec qui marche à côté de nous, tu sais qui c’est ?», et là Pichaya s’est retourné sur le côté – vous voyez comment il a pu faire ce mouvement aérien, vous qui le connaissiez – a regardé le mec en question, et sur un ton hautain qui avait des accents de reproche – car il savait le faire aussi quand il était dans l’incompréhension – il m’a répondu : «Évidemment que je sais qui c’est qui c’est, il travaille chez moi! ». J’avais poursuivi mes questions, lui demandant pourquoi il était venu avec nous et Pichaya m’avait répondu, très grand monsieur : «Il porte mon cartable». Je me souviens que j’avais dévisagé le mec qui devait avoir une vingtaine d’années et qui marchait très sérieusement à ses côtés en tenant un cartable en cuir. Je ne me souviens pas vraiment de la tête du mec, mais très précisément du cartable en cuir marron. Après m’être remise de ma surprise, j’avais dit à Pichaya : «Il est vraiment venu uniquement pour porter ton cartable ?», le dit cartable, contenant deux feuilles de papier à photocopier. Et j’avais osé ajouter : «?Tu n’as pas honte tout de même ?». Il avait marqué un silence et m’avait dit d’une petite voix : «Si Véro, j’ai un peu honte». Mais avait immédiatement complété par toute une explication qui tenait la route : «Il est content de venir en ville avec moi et encore plus content que tu sois avec moi et de marcher à côté de nous. Sinon, il serait resté à la villa à ne rien faire, alors que là, c’est un peu comme une formation. Il va apprendre des choses avec nous, rien qu’en allant faire des photocopies. Tu comprends Véro ?  Et il faut bien que je lui confie une tâche qui justifie qu’il nous accompagne : et c’est porter mon cartable.»

Il avait encore une fois raison Pichaya, il savait redonner confiance à des jeunes qui étaient un peu perdus et parfois leur vie redémarrait comme ça en «porteurs de cartable». 


mercredi 12 mai 2021

Aurélien

 





Hier, Aurélien m’a appelée.
L’Aurélien de Titania.
Dans la vraie vie, il ne s’appelle pas du tout Aurélien et Titania non plus d’ailleurs. Ce sont des personnages de mon livre qui se prénomment autrement, mais qui sont tout de même des personnages réels. Inventer un peu, c’est la liberté de l’auteur.  

Donc, hier, l’Aurélien de Titania m’a appelée et je lui ai lu le passage des petits bracelets. Il est resté silencieux, alors je lui ai demandé, «Ça ne te fait pas de peine ? ».
Il m’a répondu, «Non, ça me fait très bizarre».
J’ai tout de même bien senti que je lui faisais une peine bizarre.
J’ai senti que lui aussi, il repensait à ces deux petits bracelets, mais je n’ai pas osé lui demander comment étaient les bracelets, tressés en fil ou en paille de riz.
Aurélien m’a dit, «J’ai envie de venir vous voir pour qu’on parle de tout ça.»
Je lui ai répondu, «Viens, je t’attends».
J’oserai lui demander quand il viendra me voir.  

https://www.facebook.com/veronique.piaser.moyen.auteur



dimanche 9 mai 2021

Chronique pichayenne 03


 

Chronique pichayenne

Peu de temps après avoir rencontré Pichaya j’ai compris qu’il était un dénicheur de talents, une sorte de chasseur de têtes. Il savait que je peignais, alors il imaginait des projets d’école de peinture, il savait que je photographiais, alors il imaginait un livre de photos sur Pondichéry et c’est comme ça que je m’étais retrouvée à 6 h du matin à l’arrière de son scooter, appareil photo en bandoulière. C’est aussi comme ça que je m’étais fait coincer pour photographier une statue en particulier et qu’à la fin de la matinée, j’en avais pris soixante en photo. Là, il avait dû voir ma tête et m’avait dit – en revenant de sa chambre, les bras chargés de statuettes – avec son sourire de charme, celui auquel personne ne pouvait résister : «je crois que j’exagère un peu, Véro!»

Il ne savait pas que je cuisinais, car rapidement j’avais su mettre mes talents en sourdine, mais il m’avait habilement posé la question, une sorte de quizz sur mon plat préféré et j’avais lâché : le gratin dauphinois. Je ne me souviens plus comment je m’en suis sortie, comment j’ai pu échapper à son projet d’une soirée au Space avec le gratin dauphinois au menu, mais je m’en suis sortie et n’ai jamais cuisiné pour le Space. Par contre j’ai fait toute la déco de la terrasse un après-midi de 31 décembre en gonflant des ballons de baudruche à m’en faire péter les poumons.

Nous avions appris à être très méfiants dès que Pichaya prononçait la phrase qui tue : «J’ai une idée!», au point même que cela pouvait déclencher chez nous une sorte de réflexe qui consistait à nous dire : «Tous aux abris!». Je me souviens avec émotion que Vasanty m’avait demandé de la prévenir en urgence dès que Pichaya avait une idée. 

Au fil des années, nous nous amusions (gentiment) à passer chez lui pour rencontrer les talents qu’il avait dénichés et que nous trouvions généralement attablés face à lui, en train de plancher sur un projet. Les nouveaux talents étaient toujours très investis dans les projets qui avaient pris naissance la nuit précédente, concentrés sur un écran d’ordi ou sur des feuillets A4, pendant que Pichaya nous détaillait le nouveau projet dans lequel il se projetait avec enthousiasme. Nous, comme on savait, on se méfiait, on s’intéressait un peu, mais pas trop pour ne pas risquer de se retrouver participants malgré nous. Je me souviens de certains projets qui n’allaient pas plus loin que de revisiter la présentation du menu du Space, mais je crois que parfois il y en a eu de bien plus ambitieux. 

Forts de plusieurs années d’expérience sur notre Pichaya dénicheur de talents, nous avions pris l’habitude de dire aux amis ou à la famille qui venaient nous voir à Pondy, de ne jamais dévoiler leur profession ou leurs talents à Pichaya. Mais c’était sans compter sur l’espèce de dixième sens que pouvait avoir Pichaya et qui lui permettait de lire dans les pensées de la personne qui est en face de lui. 

Quand mon cousin et sa femme sont venus, je leur ai demandé de ne pas se dévoiler – Denis est médecin – et ils n’ont rien dit, sauf que quand même ils ont discuté avec Pichaya et là, il a été impossible de cacher que Wendy était anglaise, elle a un accent! Pichaya lui a trouvé ce talent, Wendy était anglaise et elle devait forcément avoir un lien avec l’Anglo French Textile, une ancienne usine coloniale de filature et de tissage et il avait immédiatement eu un projet dont je n’ai plus aucun souvenir, c’était peut être de racheter les filatures. Lorsque mes enfants sont venus, ils ont reçu la même consigne : «Surtout ne dites rien de vos compétences». Mais là aussi, Pichaya a été plus fort que nous et a repéré que Sabrina avait des origines orientales et lui a proposé de faire une soirée couscous au Space. Ce coup-ci, encore, on avait réussi à s’échapper et il n’y a pas eu de soirée couscous, enfin pas avec nous. 

Lorsque j’ai présenté Pichaya à une amie psychologue, elle aussi était bien briefée et n’a rien révélé de sa profession. Tout roulait amicalement autour du café, Pichaya assis dans son fauteuil légendaire et nous autour. Et puis, sans crier gare, sans qu’on ait pu l’envisager, Pichaya s’est soudain concentré et a dit à mon amie : «Cette nuit, j’ai fait un rêve et je vais vous le raconter.» Et il a raconté tout son rêve en demandant à mon amie ce qu’elle en pensait, exactement comme un patient le fait chez son psy.  

Je me demande encore comment il faisait pour dénicher et deviner tous ces talents.
Je me dis qu’il a sûrement dû en révéler aussi. 


samedi 8 mai 2021

Chronique pichayenne 02


 Chronique pichayenne.

Il y a tous les jours de votre vie et puis un seul qui sera différent pour toujours de tous les autres,   le jour  où vous avez rencontré Pichaya. Ce type de moment si particulier qui marque une vie et dont on se souvient comme le premier jour du reste de sa vie, celle que l’on va désormais vivre avec Pichaya. 

Ce jour si particulier pour moi a eu lieu au printemps 1998 à Pondichéry, quand notre fils nous a dit : « je vais vous présenter un ami ». Il nous a présenté Pichaya qui venait tout juste de terminer les travaux de Villa Pondichéry et nous avons été les premiers clients de sa guest house. Il nous avait attribué la chambre du bas, celle que nous connaissons maintenant comme sa chambre. À peine arrivée dans la chambre, je me suis assise sur le bord du lit qui s’est effondré au sol, cassé en deux et après un moment de stupeur et une grosse rigolade, nous sommes allés  lui annoncer avec une petite appréhension, qu’on avait cassé le lit. On avait un peu peur de se faire engueuler – ça c’est parce qu’on ne le connaissait pas bien — et on s’est retrouvé presque gênés de le voir autant s’excuser et à organiser immédiatement notre déménagement à l’étage. Il s’excusait énormément pour le désagrément qu’il nous causait et puis très rapidement, il nous a dit que le menuisier était un con car il avait taillé les montants du lit dans du bois qui avait de gros nœuds au milieu et que c’est pour ça que ça s’était brisé en deux dès que je m’étais assise.  J’avais eu confirmation de l’erreur du menuisier quand j’avais entendu Pichaya lui téléphoner. C’était en tamoul mais on pouvait tout à fait comprendre qu’il gueulait un peu. D’ailleurs très rapidement, nous avions vu le menuisier débarquer  pour récupérer le lit. 
Nous avions eu le temps de le rassurer et de nous installer  à l’étage. 
J’étais allée prendre une douche sur le palier lorsque soudain la porte s’est grande ouverte – le menuisier n’ayant pas fini de poser les loquets – et j’ai eu la surprise de faire la connaissance de Vasanty qui était passée voir les travaux de peinture de la douche. C’est comme ça que nous avons fait connaissance et c’est inoubliable. 
C’est après ces premiers épisodes assez fracassant pour l’un et inattendu pour l’autre que nous sommes devenus amis. 
Nous en reparlions régulièrement et il nous confirmait à chaque fois que c’était la faute du menuisier qui  avait mal choisi sa traverse de bois et avait oublié le loquet de la douche. 

vendredi 7 mai 2021

Chronique pichayenne 01

 


Chronique pichayenne.

Dans ma vie pichayenne, il y a un lit !
«Ma vie pichayenne» c’est ainsi que j’appelle mes souvenirs avec Pichaya car ce sont bien plus que des souvenirs, ce sont des morceaux de vie.
Dans cette vie qui était donc «pichayenne», je faisais partie des élus – en l’occurrence une élue, mais j’ai l’orthographe inclusive en horreur – qui avaient le droit de rentrer dans sa chambre. Jno me confirme qu’il n’y était pas admis ou avec réticence.
Une sorte de cercle intime donc auquel j’ai eu l’honneur d’appartenir. Dit ainsi cela pourrait prendre l’allure d’une histoire sulfureuse alors que c’était tout simplement que Pichaya avait quelques pudeurs sur l’incroyable fourbi qu’il était capable de mettre dans sa chambre et particulièrement sur son lit. Il y a eu des fois où je m’étais demandé où il trouvait la place pour allonger son corps qui était tout de même assez grand. Et il y a eu la fois où ça m’a échappé et je lui ai dit que ce n’était pas possible de mettre un bordel pareil dans sa chambre. Il m’a regardé de sa hauteur et m’a répondu, vexé : «Toi, tu ne vas pas te mettre à me dire les mêmes choses que ma sœur! » 


jeudi 6 mai 2021

Pichaya


 

Plus de mots pour dire que Pichaya ne viendra plus me demander de peindre à ses côtés, il ne viendra plus me demander de décorer l’Espace pour le réveillon, il ne viendra plus me demander de prendre une statue en photo puis en sortir cinquante et me dire : «?j’exagère un peu?», il ne viendra plus me demander de monter derrière lui sur son scooter pour prendre en photo tous les bâtiments remarquables de Pondy avec l’idée d’en faire un livre, il ne me demandera plus de lui apporter des caleçons à la clinique, il ne me demandera plus d’organiser des ateliers peinture pour des enfants défavorisés, il ne me demandera plus de lui apporter des magazines français et de ne jamais me les rembourser, il ne me demandera plus de lui garder ses médicaments dans le frigo, il ne me demandera plus de venir déjeuner avec lui, il ne me demandera plus conseil pour s’acheter du tissu et confectionner des sets de table. 

Plus jamais ma maison ne sera envahie par l’odeur de la naphtaline.
Plus jamais ma maison ne sera inondée par les bouteilles d’eau qu’il renversait durant la nuit.
Plus jamais je ne l’entendrai prononcer mon prénom avec le r qui roule jusqu’à l’o. 

Il ne me demandera plus rien, il ne m’exaspérera plus jamais et c’est ce qui est insupportable, insurmontable.