lundi 7 décembre 2015

Freiner le toboggan infernal




C’est à vous mes ennemis que j’écris ces mots au lendemain du premier tour des élections régionales de cette terrible année 2015.
Rien ne nous aura été épargné sauf l’espoir que dimanche prochain la raison n’ait repris le dessus sur la folie.
Je fais parti de ceux qui y croient et qui feront en sorte que leurs actes rejoignent leurs paroles et leurs convictions.
Je suis convaincue aussi que mes pensées doivent être traduites en mots et publiées.
J’ai exactement 1681 « amis » sur Facebook (mais tous ne me lisent pas et vous savez que j’ai viré les fachos), j’ai des abonnés sur mon blog,  cela devrait tout de même représenter une petite audience dont nous n’avons pas le droit de nous passer dans ces jours de folie brune.
Que s’est il passé ???
La réponse est sur toutes les bouches : le chômage, le terrorisme, les migrants, les déceptions … Que des bonnes excuses comme si faire cette énorme connerie pouvait avoir une excuse.
Je voudrais m’adresser à vous mes ennemis et je les cherche ces ennemis. Je pense que ce n’est pas vous.
Les seuls vrais ennemis sont la clique Le Pen et leurs sbires Philippot, Aliot, Briois  et les autres.
Fascistes assoiffés de pouvoir, ils ont réussi à faire croire à des pauvres gens qu’ils avaient la clé du bonheur. Le bonheur du franc retrouvé, des frontières verrouillées, de l’art censuré, des homos enfermés, des plannings familiaux fermés, des réfugiés refoulés … Comme si le bonheur était la censure de nos libertés acquises.

Je vous demande à vous électeurs du FN qui n’êtes pas de vrais ennemis :
Pourquoi avez-vous mis votre bulletin FN dans l’urne comme vous postez vos commentaires haineux sur les réseaux sociaux ?
Pourquoi n’avez-vous pas compris qu’un bulletin de vote n’est pas un tweet que l’on peut effacer lorsque l’on se rend compte qu’on est allé trop loin ?
Pourquoi ne savez vous pas que vous votez pour des gens qui vous détestent et qui se moquent bien de vous ?
Quand je dis qu’ils se moquent, c’est d’une vraie moquerie dont il s’agit, car je les imagine ricanant quand ils vous raillent et vous bernent.
C’est à quel moment que vous avez été embarqués par cet immense mensonge ?
Dites-moi comment ils ont pu vous séduire … je ne comprends pas.
Ils vous détestent et même pire.
Si un jour ils arrivaient au pouvoir, ce que je persiste à penser impossible, et bien ce serait vous leurs électeurs dont ils se débarrasseraient les premiers.
Ils se débarrasseraient vraisemblablement aussi de moi, mais moi je le sais qu’ils sont mes ennemis et que je suis leur ennemie.
Mais vous ???
Comment pouvez vous croire qu’ils veulent vous rendre heureux ?
Je ne voudrais pas insinuer que vous êtes un peu naïfs car vous diriez que je me la joue intello de gauche bobo (j’ai l’habitude), alors je vais vous le dire autrement. Vous vous êtes faits avoir par des gens très malins, c’est quelque chose qui peut arriver et il ne faut jamais se désespérer et penser que l’on ne peut pas revenir sur une grosse boulette.
Et c’est vrai que parfois on réagit de cette manière parce que c’est difficile,  on ne sait plus comment se sortir d’une énorme connerie, d’une énorme tromperie, d’une énorme malhonnêteté que l’on a commise, on a honte et par découragement on se laisse aller jusqu’au bout quitte à se suicider.
Une sorte de toboggan du désespoir qui vous embarque dans des tourbillons vertigineux dont on ne sait plus s’il faut encourager les accélérations excitantes ou y mettre un terme dans un dernier élan de lucidité.
Par découragement, par fatigue, par facilité, par lassitude, par lâcheté on se grise d’une glissade enivrante dont on se fout de l’issue.
Il y a une autre option sur ce toboggan infernal.
C’est l’option du courage qui consiste à ralentir la descente et à la stopper.
Le mode d’emploi est simple quand on le connaît et je vais vous  l’expliquer.
Vous écartez un peu les jambes, pas d’un coup car ça serait dangereux, vous écartez donc doucement vos jambes et vous faites un peu frotter le côté de vos chaussures sur les bords du toboggan.  Le mieux, c’est si vous êtes en baskets ou en tennis, les semelles vont mieux accrocher sur le bord.
Evidemment si vous êtes en Louboutin, ça va être plus subtil à négocier.
Mais cette excuse ne fonctionnera pas avec moi, ne me faites pas croire que vous  votez FN  en Louboutin. N’oubliez pas que vous avez voté FN parce qu’on vous a promis le bonheur, donc vous n’avez pas de Louboutin. Moi, j’en rêve et  n’en ai pas. La différence c’est que je ne pense pas que le FN me permettrait de m’en payer.
Vous non plus d’ailleurs puisque vous êtes sur ce toboggan en train de suivre mes conseils pour freiner.
Alors dès que vos semelles de caoutchouc vont commencer à avoir un résultat pour réduire la vitesse des tourbillons de désespoir, vous insistez carrément, vous appuyez fermement sur les tranches en tendant vos jambes et  vous commencez à tendre vos bras sur le côté pour vous agripper sur les rebords du toboggan.
C’est là que votre découragement va se dissiper légèrement en même temps que vous contrôlerez votre descente jusqu’au moment où allez pouvoir décider de stopper carrément la dégringolade infernale.
Il faut juste décider de freiner.
Il faut juste décider de ne pas aller plus loin.
On peut faire une connerie, on peut se tromper, on peut s’être fait tromper, tout est possible et tout est pardonnable.
L’essentiel est d’avoir le mode d’emploi et le courage d’y mettre un terme.
Je crois que vous allez le faire.
Dimanche prochain nous serons le 13 décembre, jour de la sainte Luce, celle qui apporte la lumière.

La fête des Lucie, Lucie Aubrac …

lundi 23 novembre 2015

Pour Isabelle et Geoffrey.




Vendredi elle m’a appelée pour me parler et je lui ai dit : - Il est vivant.
Et j’ai ajouté : - Forcément.
Je me souviens de mes doigts qui tapent ce « forcément » sur le clavier et ce sentiment d’en faire trop. 
Un côté Marguerite Duras que je me reproche immédiatement et toujours maintenant, mais il est trop tard, j’ai appuyé sur « envoyer ».
Et de toute manière comment lui répondre autrement ?
Je sais qu’il faut lui dire qu’il est « vivant forcément » puisqu’on ne sait rien.
Je sens pourtant que l’épilogue tragique est déjà écrit et je crois qu’elle le sait aussi.
Je regarde l’écran de la télé et devant ce fil d’info continu  je lui transmets ce qu’ils disent de Bamako.
Mais ils disent si peu de choses.
Alors on dit quoi à une amie qui vous supplie de lui dire ce qui va la rassurer ?
On répond quoi à une si folle demande de changer la fin redoutée d’une tragédie déjà écrite par des monstres.
Rien ou si peu de choses.
On lui dit quoi à son amie ??? on lui dit quoi ??? On fait comment …
Je raconte l’écran, Hollande qui parle encore, les forces spéciales vont arriver et vont le libérer. Forcément.
Crois-moi s’il te plait, ne cède pas à ton angoisse.
Reviens, tu as quitté ton clavier et maintenant c’est moi qui ai besoin que tu parles.
Pourquoi me parles-tu des versets du coran ? Ils en ont libérés je te l'ai dit. Ne prends que cette information, ils n’ont pas à préciser lesquels ils ont libéré. C'est quoi cette histoire de coran ...
Ecoute moi et reviens sur l’écran.
C’est un drame qui ne te concernera pas car cela n’arrive qu’à des gens qu’on ne connaît pas. Il faut que tu me croies et que tu te calmes.
Je promets et donne tout à un Dieu auquel je ne crois pas, je fais échange de tout ce qu’il veut contre une seule phrase incrustée dans l’écran qui dira que tous les otages ont été libérés, je donne tout contre ce forcément sur lequel je me suis engagée.
Oui tu me crois cette fois. Les forces spéciales vont arriver.
Et là il y a eu du silence comme un répit entre ses questions et mes réponses et un peu plus tard, elle a écrit : - Geoffrey est mort.
Je ne sais pas comment on fait à ce moment là pour être utile à une amie.
Tout devient horriblement absurde, ridicule à la limite du burlesque.
Comme si l’écran de la télé était rentré dans ma vie, comme si la mort venait se jeter sur moi dans toute son indécence, comme s’il fallait toujours rajouter une couche à l’horreur de l’horreur.
Je lui ai juste dit de rentrer chez elle calmement, de me promettre qu’elle se sentait capable de conduire. Il fallait lui dire quelque chose alors je disais n’importe quoi, je débobinais des conseils débiles.
Juste des mots pour meubler le silence et ne pas risquer d’entendre ses larmes … Surtout ne pas me retrouver face à mon impuissance.
Il faut qu’elle continue de croire que je suis forte et qu’elle peut me parler.
C’est forcément cela qu’il faut faire pour une amie qui pleure.
Forcément, forcément.
La douleur insupportable de l’ami que l’on voit pleurer, la douleur insupportable de son impuissance à canaliser cette douleur créent deux souffrances qui se rejoignent pour peut être se comprendre dans une désespérance commune.
Dans des mots ou par des gestes dans ce silence qui accompagne la sidération de la barbarie, il y aura forcément un instant où tu sentiras ma main dans la tienne, il y aura forcément un moment où tu entendras mon sourire.

Et forcément je te verrai sourire.
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Lundi 11 novembre 2019

Hier soir,  j’ai rencontré la maman de Geoffrey.
Je ne savais pas qu’elle serait à cette soirée d’anniversaire, je n’y avais pas pensé, je n’avais d’ailleurs jamais imaginé qu’un jour je la rencontrerai.
Je l’ai immédiatement reconnue car je l’avais vue sur des images d’actualité et aussi sur des photos de famille et je n’ai rien pensé d’autre que cette nécessité d’aller lui parler, d’aller lui dire que j’avais rencontré son fils trois semaines avant qu’il ne se fasse tuer par un tir de kalachnikov dans une attaque terroriste en novembre 2015.
Je suis allée vers elle, vers cette toute petite femme lumineuse et je lui ai dit, vous ne me connaissez pas mais je veux vous dire que j’avais rencontré votre fils trois semaines avant l’attaque terroriste. Elle sourit et m’écoute lui dire mes souvenirs de Geoffrey, lui dire que l’amitié qui me lie à sa sœur a fait que je me suis trouvée à suivre l’attaque en direct en sachant que Geoffrey était à l’intérieur et que j’ai su aussi en direct que Geoffrey avait été abattu.
Elle me sourit dans ses larmes et me dit, dès que vous êtes arrivée, j’ai croisé votre regard en étant certaine que vous aviez quelque chose à me dire, que vous n’étiez pas venue par hasard et que vous alliez venir me parler. Je ne savais pas ce que c’était mais je l’ai senti.
Je n’avais pas grand-chose à lui dire et je ressentais pourtant cette nécessité de lui parler de son fils, de lui dire que je n’avais pas peur de  son chagrin et de sa douleur qui débordait derrière son sourire, de lui redire que son fils ne serait jamais oublié même par moi, une étrangère.
Elle est allée cacher ses larmes et puis est revenue  me dire comme elle était heureuse que grâce à notre échange son fils ait été présent à cette soirée d’anniversaire, combien ma simplicité à venir vers elle avait donné une respiration à sa souffrance de mère.
Hier soir, c’était comme si l’union de souffrances pouvait ouvrir vers des espoirs.