dimanche 19 août 2018

Les fleurs





Toute ressemblance dans ce billet avec des personnes existantes ou ayant existé n'est pas fortuite du tout puisque nous avons  par ordre d'apparition : les fleurs, la fleuriste, les enfants, papé, les parents et moi-même : Go. Ce sont tous de vrais personnages de la vie. 



En fin de matinée nous sommes allés chez la fleuriste pour acheter deux bouquets de fleurs, un pour elle et un pour lui.
Lorsque nous sommes entrés la marchande de fleurs (c’est plus mignon que fleuriste et plus représentatif de la réalité que nous allions vivre) finissait de s’occuper des clients précédents et au bout de quelques minutes d’attente, elle est venue vers nous et nous a demandé ce que nous désirions. J’ai dit :
- Deux petits bouquets de fleurs.
Elle a posé la deuxième question qu’elle doit systématiquement poser :
- Quel est votre budget ?
Les deux enfants m’ont regardé un peu inquiets et j’ai vite répondu à la marchande de fleurs :
- Ce n’est pas le problème, pour l’instant les enfants vont choisir les fleurs.
Les enfants attendaient ce moment du choix des fleurs et j’avais déjà dû les freiner un peu pendant le temps d’attente que nous avions passé dans la boutique car ils pensaient que l’on se servait soi-même et ils avaient commencé à sortir les fleurs des grands vases pour les examiner et se concerter mutuellement dans le choix d’une décision déjà contrariée par le fait qu’il n’y ait pas de tulipes en août.
La marchande leur demande si ils ont un désir sur les couleurs et ils lui disent qu’ils veulent deux couleurs différentes chacun. Pour elle, c’est un choix rapide, ce sera un bouquet blanc.
La marchande se saisit des fleurs blanches et nous esquisse une espèce de composition florale en longueur. Je m’y oppose tout de suite en expliquant aux enfants qu’ils ne peuvent pas tenir un truc tout en longueur sur les bras et qu’en plus ils vont avoir l’air d’avoir gagné l’étape. Ils me regardent et me disent :
- C’est quoi l’étape ?
Je leur explique que c’est une étape du tour de France, les coureurs qui gagnent se retrouvent avec dans les bras un bouquet comme ça, tout long. À voir leurs têtes, soit ça ne se fait plus, soit ils ne regardent pas l’arrivée des étapes du tour de France et quoiqu’il en soit, j’ai dit un truc qui fait ringard puisqu’ils n’ont rien compris à l’histoire de l’étape mais ils ont compris qu’ils ne pourraient pas se balader avec un bouquet à tenir à deux mains.
Je fais alors preuve de détermination face à la vendeuse de fleurs qui n’a pas suivi ma diversion sur l’étape et je lui dis :
- Non, il faut des petits bouquets ronds qu’ils puissent tenir facilement à la main.
Elle réalise donc le premier bouquet blanc pour la fille en expliquant qu’elle va mettre du floveutaippe pour tenir les tiges et elle entoure les tiges de floveutaippe blanc et tout tient bien. (J’ai traduit mentalement l’occitan vers l’anglais et l’anglais au français pour arriver à comprendre son floveutaippe). Je lui demande à ce moment-là de couper les tiges bien courtes pour que ce soit facile à tenir mais elle me répond :
- Si je coupe les tiges courtes, les fleurs ne vont pas tenir !
Je lui dis après une brève hésitation :
- Ce n’est pas important qu’elles ne tiennent pas , faut qu’elles tiennent juste pour l’après-midi.
Et je croise le regard un peu inquiet et triste des enfants.
La marchande est encore plus surprise que les enfants mais je ne la laisse pas poser de questions, j’enchaîne en disant :
- Ce sont des bouquets que les enfants vont porter à la main pour les obsèques de leur grand-père.
À partir de là tout est devenu très compliqué  pour la vendeuse face aux deux enfants toujours aussi déterminés dans leur choix.
Le bouquet blanc de la fille était terminé et nous sommes passés au deuxième bouquet, celui du garçon. La vendeuse lui a demandé quelle couleur il choisissait et il a répondu :
- Elle a déjà pris le blanc alors je prends rouge ...
Et tout a continué à être compliqué car la vendeuse a expliqué qu’elle n’avait presque plus de fleurs rouges car hier elle avait fait énormément de gerbes. Là, les enfants ont commencé à rire en me regardant. C’était le mot gerbe. Je leur ai dit :
- C’est le truc de l’étape pour le coureur qui a gagné.
Et j’ai fait le geste du machin long dans les bras. Ils m’ont regardée et ils n’ont toujours pas compris ou alors ont pensé qu’il y avait eu une étape du tour de France dans le Tarn et Garonne hier.
Et la vendeuse a tenté de réaliser un bouquet correct mais elle n’était plus en état de le faire, elle était dans un grand état de nervosité qui faisait rire les enfants derrière le comptoir.
Est enfin arrivé le moment du floveutaippe autour des tiges du bouquet rouge et elle a cherché du floveutaippe rouge mais ne l’a jamais trouvé alors elle a mis du blanc en demandant au garçon si ça irait. Il a dit oui, mais j’ai senti qu’il aurait aimé avoir du scotch rouge comme son bouquet. Alors la vendeuse a mis du floveutaippe blanc et on a bien vu tous les trois que ça se passait mal et même de pire en pire car elle restait accrochée aux tiges du bouquet. Elle a finalement lâché :
- J’ai pris le rouleau à l’envers et ça me colle les doigts ...
Là, les enfants ils étaient morts de rire. La vendeuse en avait plein les doigts et a dû tout recommencer en tremblant.
Nous sommes arrivés au bout d’un temps qui nous a semblé interminable à sortir de la boutique avec nos deux bouquets, le blanc pour elle et le rouge pour lui.
Sur le trajet pour rentrer à la maison, ils marchaient fiers tenant chacun leur bouquet droit dans les mains sous leur nez et je leur ai dit :
- Vous n’allez pas tenir vos bouquets comme des mariées pour aller voir papé ?
Ils m’ont répondu :
- Si !
J’ai dit :
- Ah bon.
Et ensuite ils m’ont dit :
- S’il te plait Go, tu peux nous prendre tous les deux en photo avec nos bouquets pour que papa et maman nous voient avant ?