vendredi 23 juillet 2021

Titania et L'instant fragile.

 


Lorsque j’ai écrit Titania, j’étais très attentive à décrire des faits exacts. J’étais concentrée sur mes souvenirs et pour ceux qui remontaient à plus de trente années en arrière, je me suis appuyée sur le petit carnet dans lequel Jno avait pris des notes. J’avais aussi en main, tout le dossier d’adoption et les témoignages d’autres parents – à qui j’adresse ici mes remerciements pour m’avoir fait confiance en me racontant leurs histoires –, j’avais mes souvenirs récents et là aussi, nos carnets de voyage qui pour 2018 et 2019-2020, étaient plus étoffés que celui de 1985. 

Je savais que je devais être précise et juste, que je n’avais pas droit à un «à peu près» qui ouvrirait la porte à tous ceux qui attendent derrière et ils se reconnaîtront. D’ailleurs, ils ont su forcer la porte et me couvrir de critiques alors qu’ils n’avaient même pas lu Titania – sans doute, ne le liront-ils jamais – et clamer sur tous les réseaux sociaux qu’il ne fallait surtout pas lire mon livre, que c’était l’œuvre du diable, allant jusqu’à partager la photo de couverture pour bien identifier le livre qu’il ne fallait surtout pas lire. C’est le moment qui m’a fait rire, je me suis dit qu’ils n’avaient pas compris qu’ils me faisaient une sacrée promotion, un peu à la manière de la censure des fesses de Michel Polnareff. Je ne leur ai pas mentionné l’histoire des fesses, ils n’auraient rien compris et surtout je n’avais pas envie de parler à des gens qui ne m’avaient trouvé comme seul défaut que celui d’être «une mère blanche». J’aurais admis que l’on critique le style de mon livre, que l’on relève les deux coquilles qui y traînaient encore le mois dernier, mais que l’auteur de Titania soit une femme blanche et donc forcément coupable m’a mis dans un état de stupéfaction totale. J’ai trouvé cela assez réducteur et décevant. Un bref instant, j’ai pensé à Marguerite Duras et son «sublime, forcément sublime», sauf que le forcément coupable de la mère blanche ne venait pas de Duras et en était même très loin.

Titania était donc l’aventure d’un récit vrai et documenté dans lequel je m’étais fixé l’objectif de mettre de l’intime et de l’émotion. J’écrivais avec ces deux visées et c’était devenu obsessionnel. Il fallait être vrai partout, je pensais à Lionel Duroy qui me dit toujours, «Écrivez vrai, Véronique, c’est ainsi que vous emporterez le lecteur au cœur de vos émotions». 

Aujourd’hui, alors que mon livre n’est encore qu’un bébé tout juste né, je sais que je suis arrivée à cet «écrire vrai» que Lionel Duroy m’a conseillé.

J’ai écrit trois cent trente-quatre pages dans le souci de la vérité, que ce soit celle des faits ou celle de ma douleur. 

Dès que Titania a été publiée, j’ai repris l’écriture sur un projet de fiction que j’avais déjà en tête pendant la réalisation de Titania. 

J’écris à la troisième personne, je crée mes personnages, je les emmène où je veux, je peux même les faire mourir. C’est une fiction et je peux donc tout me permettre. C’est ce que je pensais lorsque j’ai écrit les premières pages, j’étais lancée dans l’euphorie de l’écriture, cet état d’euphorie qui vaut toutes les drogues et presque les meilleurs whiskies, lorsque je me suis rendu compte que j’écrivais la même histoire que Titania, ou que j’écrivais la suite ou encore que j’écrivais ce que je n’avais pas pu dire dans Titania. Au bout de deux cents pages, j’ai marqué une pause, car j’ai soudain été prise par le besoin irrépressible de vérifier tout ce que j’avais écrit dans ma fiction. 

L’un des personnages possède une concession automobile, j’ai laissé Jno m’emmener dans les concessions automobiles du sud de Montauban pour aller vérifier de visu à quoi ressemblait un patron de concession et surtout s’il ressemblait au Arno de mon roman. La vérification a dépassé mes espérances puisque nous avons acheté une voiture. 

Un autre personnage se fait faire un tatouage sur l’intérieur de l’avant-bras et là aussi, pour vérifier, je suis allée me faire tatouer l’avant-bras, comme Suzanne dans ma fiction. Je n’avais jamais eu cette expérience et je voulais la ressentir pour être certaine que j’avais écrit vrai, comme dit Lionel Duroy. 

Il y a un passage où j’écris que le personnage masculin, Arno, s’achète dans une boutique de Vannes, des marinières et des sweats de marin. La semaine dernière, nous sommes allés faire les boutiques dans Vannes et Jno comme Arno a essayé des marinières et a fait des achats. Là aussi, il fallait vérifier. 

Au fil de l’écriture de cette fiction qui s’appellera très vraisemblablement «L’instant fragile d’une rencontre immobile» – il faut que je demande l’autorisation à Jean-Michel Jarre – je réalise que je l’écris à l’inverse de Titania. 

Pour Titania, j’ai écrit en vérifiant que tout s’était bien passé tel que mes mots l’exprimaient et pour «L’instant fragile», j’écris et je vérifie a posteriori que tout peut se passer tel que mes mots l’expriment. 

J’écris toujours la même chose, mais en prenant des chemins différents. 

https://www.atramenta.net/books/titania/1064

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