Le blog de Veronique Piaser-Moyen, une femme artiste qui se raconte au quotidien avec humour et émotions.
lundi 30 décembre 2024
Tandem patriarcal
samedi 28 décembre 2024
Mais vieillir, oh, oh vieillir -02
Je pensais avoir exorcisé la vieillesse en l’écrivant, mais une page n’aura pas suffi. Il faudrait sans doute en faire un roman tant la matière est riche, mais c’est trop triste, je préfère écrire des romans où les personnages ont encore la vie devant eux et l’amour en eux.
Le mois des vœux se profile et j’ai préparé ma carte comme je le fais chaque année depuis des décennies. J’y tiens à cette carte que je crée, je m’y accroche bien plus qu’aux vœux eux-mêmes en me persuadant que c’est uniquement parce que j’envoie une œuvre personnelle que les vœux se réaliseront.
Cette semaine, j’ai finalisé ma création et, sans rien vous en dévoiler, elle n’est pas franchement joyeuse, mais comment envoyer des petits chatons enturbannés qui dansent dans la poudreuse alors qu’il y a l’Ukraine, Mayotte, Gaza et des otages et que je n’ai même pas osé vous souhaiter Hannouka. Là, il est encore temps si j’en ai le courage.
Et toujours pour que mes vœux aient une chance de se réaliser, je m’efforce d’envoyer un maximum de mes cartes par la poste, dans une vraie enveloppe avec un vrai timbre.
C’est là que l’histoire de la vieillesse me retombe dessus.
Je n’ai plus de timbres et je vais donc à la poste me ravitailler en vignettes. Je pense que c’est au moment de cette prise de décision que j’ai commis une erreur, j’aurais pu aller au guichet acheter un carnet de vrais timbres qui auraient été d’ailleurs plus élégants sur l’enveloppe, mais je me dirige vers le distributeur automatique et je commande seize vignettes d’affranchissement.
Si je me souviens si précisément du nombre des vignettes, c’est que l’imprimante de l’automate met environ cinq secondes à imprimer chaque vignette. Et il vous fait le décompte avec une petite roue qui tourne pour chaque vignette. Inutile de préciser qu’au bout de la deuxième vignette, j’ai regretté d’en avoir commandé seize !
Plantée devant la borne, j’attends patiemment et, quand arrive la seizième, j’ai le sentiment d’avoir gagné au loto. Il me reste à demander une facture, l’écran me propose de passer en mode professionnel, tout semble soudain s’accélérer dans le bon sens jusqu’au moment où je me retrouve à devoir taper tous les chiffres de ma carte Pro que, par chance, j’ai pensé à glisser dans ma poche en partant de chez moi. Taper ou écrire des chiffres représente toujours une tâche ardue pour mon cerveau, qui n’enregistre aucun chiffre dans l’ordre, même en les recopiant. En me concentrant, je parviens à taper les douze chiffres de ma carte Pro et l’écran m’annonce que tout est OK, ma facture est envoyée dans ma boite mail.
J’avais atteint une satisfaction que certains qualifieraient de nirvana, quand je sens surgir derrière moi un bras qui me bouscule et une main qui se projette et appuie sur l’écran qui se réinitialise. Stupéfaite, je découvre une employée de la poste collée contre moi et à qui je demande ce qu’elle vient de faire. Elle bafouille un peu et se retourne vers la grande salle en me désignant un employé chargé de l’accueil : « C’est lui ! » Et face à mon ahurissement, elle précise : « C’est lui qui vous a signalée ! », et elle repart sans demander son reste quand je lui réponds que je suis tout simplement en train de passer commande de vignettes et de demander une facture.
J’ai eu mes vignettes d’affranchissement, mais pas la facture. En intervenant sur l’écran, l’employée avait annulé l’opération en cours.
De retour chez moi, j’ai filé à la salle de bain, là où Simon m’a installé trois miroirs, un de face et deux de côté. Je me suis bien regardée, de face, de dos, de profil pour me remettre en situation ou plutôt dans la situation de l’employé qui avait signalé la vieille cliente en difficulté devant le distributeur.
C’étaient peut-être mes cheveux ramassés à la va-vite dans une pince, c’était peut-être cette vieille parka qui me donne des allures de réfugiée kosovare, c’était peut-être mon genou qui me fait encore légèrement boiter, c’était peut-être tout. Ce tout qui donne le signal de la vieillesse et des clichés qui y sont associés.
Durant leur formation d’employé des postes, après avoir écrit sur leur front « La poste », on dit aux stagiaires : « Dès qu’il y a une vieille ou un vieux qui se présente à un distributeur, ne le quittez pas des yeux et jetez-vous sur lui au moindre signe de défaillance. »
samedi 21 décembre 2024
Mais vieillir, oh, oh vieillir
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Autoportrait |
Je suis devenue vieille lorsque je suis venue vivre à Montauban. Ça fait deux ans et demi.
C’est arrivé d’un coup.
Jusque-là, je passais les années en m’amusant, en glissant doucement vers cette vieillesse inéluctable, mais que j’imaginais loin de moi.
Mais, le passage à Montauban a agi comme un révélateur, j’y rencontrais des inconnus qui me découvraient et qui me disaient que j’étais vieille. Ils ne me l’ont pas dit directement, quoiqu’on m’ait déjà fait le coup, il y a plusieurs années en arrière, dans un salon où un couple avait acheté un de mes tableaux et avait demandé à me rencontrer, ce que j’avais bien entendu accepté. Le tableau était une grande peinture et j’avais prévu de leur offrir un de mes livres d’artiste. À l’heure du rendez-vous, je m’étais avancée vers eux, un couple d’une soixantaine d’années et le monsieur m’avait accueillie par un : « Ah ! Mon Dieu, on ne vous imaginait pas aussi vieille ! » Je ne m’étais même pas sentie obligée d’être polie malgré les dénégations de sa femme qui en avaient fait des caisses pour rattraper l’irrattrapable en m’expliquant que ma peinture était si dynamique qu’ils n’avaient pu imaginer que ce soit une artiste de mon âge qui en était l’auteur… Je les avais laissés en plan en gardant mon cadeau sous le bras.
Depuis cet avertissement qui remonte à au moins quinze ans, j’avais oublié, j’avais baissé la garde. Je n’entendais que Simon, celui qui m’appelle sa petite fille vieille et qui me dit que je suis une petite merdeuse.
En arrivant à Montauban, j’ai compris la dureté de ne pas rester vivre sur les lieux où l’on a été jeune, là où j’étais une jeune mère de famille, une jeune photographe, une jeune demandeuse d’emploi, une jeune grand-mère, une jeune militante, une jeune patiente, une jeune citoyenne, là où les autres me regardaient avec en arrière-plan l’image d’une femme encore jeune.
Désormais, je suis vieille. Direct.
Et ce n’est pas tant que d’être vieille, je savais que c’était inéluctable, mais que ce soit des étrangers qui viennent me le dire, c’est insupportable.
Lorsque je tends ma carte de mutuelle dématérialisée sur l’écran de mon iPhone et que l’on me dit doucereusement : « On va vous faire une impression papier, ce sera plus pratique pour vous », lorsque je paie avec mon téléphone et qu’on me dit : « Vous êtes moderne pour votre âge », lorsque le vendeur de fruits et légumes m’apostrophe : « Petite mamie », je réplique que je ne me sens pas concernée.
Je sais que mes cheveux ont blanchi, que mon corps a changé, que mes mains disent mon âge, mais c’est mon affaire devant le miroir.
J’ai compris toute seule que j’avais vieilli. C’était quand j’ai trouvé que les autres étaient vieux et que je découvrais qu’ils étaient plus jeunes que moi. C’était quand un homme se retournait sur moi et que je le trouvais vieux et qu’un jour, il n’y a plus eu que les vieux pour se retourner. C’était quand j’ai réalisé que je ne pouvais plus dire que j’étais tombée amoureuse parce que ça horrifiait mon interlocuteur. C’était quand j’ai gardé mes chagrins d’amour pour moi parce que les vieux n’ont plus d’histoire d’amour. La société l’a décidé. L’amour des vieux et entre vieux, c’est repoussant.
C’est tout ça vieillir.
Certains jours, pour me faire rire, je repense aux acquéreurs de ma peinture. Ceux qui m’avaient trouvée vieille. Ils ont dû accrocher le tableau sur un de leurs murs et que disent-ils à leurs amis si ces derniers le remarquent ? C’est une vieille artiste qui peint comme une jeunette… On s’est fait avoir, on a acheté un tableau sans rencontrer l’artiste au préalable et on a eu la déception de notre vie, c’était une vieille dame…
Je ne sais pas et, en plus, je ne me souviens même plus du tableau que je leur avais vendu.
Sauf que c’était un truc de jeune.
lundi 9 décembre 2024
Boucher de Joyce Carol Oates
Joyce Carol Oates, Boucher, traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Seban. Philippe Rey, 480 pp., 25 €
C’est un grand roman effrayant.
Le boucher du roman c’est le Dr Silas Weir, un personnage créé à partir de trois scientifiques américains ayant réellement existé.
Le roman se déroule au milieu du 19e siècle et dépeint dans le détail les expérimentations du Dr Weir sur des femmes internées dans un asile d’aliénées.
« Mon intention était de suivre un plan méthodique : retirer chirurgicalement les organes féminins un par un — ovaires, utérus, clitoris, vulve et autres parties résiduelles du vagin — chez une série de sujets de mon laboratoire ; afin de déterminer lequel, le cas échéant, pouvait être responsable de l’hystérie ». Ainsi parle Silas Weir, qui défend la thèse que, selon lui, si les femmes souffrent de troubles mentaux, c’est parce qu’elles ont un utérus, des organes génitaux (qui le dégoutent) et que l’ablation de ces organes est la solution pour les soulager.
Toutes les femmes sont concernées, les riches comme les indigentes, mais il mène ses expériences et s’exerce sur des femmes sans défense, celles qu’il peut opérer sans anesthésie, sans leur consentement. Peu importe, leur pathologie, il peut décider de leur trancher la langue simplement pour en observer le résultat. Quand il estime qu’il a obtenu des résultats probants, il propose ses services de bon docteur gyno-psychiatre aux maris de la bourgeoisie qui lui livrent leurs épouses et qui lui payent des honoraires.
À toutes ces expérimentations les plus abjectes sur le corps des femmes, vient, presque anecdotiquement, se mêler en toile de fond, le récit des bébés nés de viol, déclarés mort-nés pour être proposés à l’adoption à de riches couples contre un don fait à l’établissement… Le sujet universel dont on ne se débarrasse jamais parce qu’il est une réalité.
Le Dr Weir est d’autant plus diabolique qu’il n’est animé que par le désir de réparer le corps des femmes déchiré par des maternités précoces qui ont provoqué des fistules uro-génitales. Son dégout et sa fascination, doublés de son incompétence, le poussent au pire ou au meilleur.
À la lecture de ce roman, je n’ai pu m’empêcher de penser à toutes les victimes des implants vaginaux à travers le monde. Le parallèle me semble évident, au point que je me demande si Joyce Carol Oates n’a pas mené aussi une recherche sur ce scandale sanitaire actuel.
Avec « Boucher », Joyce Carol Oates nous plonge dans l’horreur de la violence patriarcale dans le milieu médical qui se donne le droit d’utiliser le corps des femmes réduites au silence.
C’est toujours d’actualité et c’est la force de son roman.
mercredi 27 novembre 2024
Faut éplucher l'oignon
Comme je ne vais toujours pas mieux ; la gorge enflammée et serrée comme les personnages des romans du 19° qui meurent de la fièvre typhoïde, le souffle court et les jambes coupées au bout de cinq minutes de marche, je suis retournée voir un médecin. C’est un médecin qui ne me connait pas, mais, dans le désert médical de Montauban, je ne peux pas faire la difficile et je n’ai pas le courage de faire une heure de route aller, puis sans doute plus d’une heure d’attente, et encore une heure de route retour pour aller reconsulter mon médecin, le gentil, celui qui me connait depuis quinze ans.
Me voilà donc face à un médecin qui me découvre pour la deuxième fois seulement. Il est gentil aussi.
Ma gorge, il voit. Ma toux et mes poumons, il entend. Ça va. il me croit.
Puis il me demande comment je dors je lui réponds que je dors mal, mais je commets l’erreur de préciser que c’est habituel.
Il bondit sur ma précision pour me dire qu’il va m’expliquer en trois points comment bien dormir. C’est, et, il commence par-là, une étude documentée des Laboratoires Fabre pour le Vendée Globe. Ça ne me prédispose pas à la confiance plutôt à l’éclat de rire, il ne peut pas le savoir, il ne me connaît pas.
Je décide de l’écouter droit dans les yeux.
1e point : Je dois faire des siestes de vingt minutes, pas plus. Une histoire de mélatonine. Et là, timidement, il se tourne vers Jean-Noël qui, à ma demande, m’avait accompagné, et dit en le pointant du menton : « Vous demandez à quelqu’un de venir vous réveiller. » J’ai envie de rire, car je pense que pour vingt minutes, il sera inutile de venir me réveiller, je ne me serai pas endormie ! Il précise l’horaire de la sieste, l’idéal est de la faire juste avant le repas de midi. J’ai encore envie de rire en imaginant le repas de midi et ce que nous mangerions si je partais faire la sieste à 11 h 30. Je me souviens que je suis féministe, alors je me retiens de lui expliquer qu’il n’y a que moi qui cuisine et qu’à 11 h 30, je suis aux fourneaux. Il me dit que je peux aussi faire cette sieste avant le repas du soir. Là aussi, je me retiens de lui dire que c’est le moment où je me tape mon quart de verre de vin rouge avec mon homme, que c’est le moment de la journée où on arrête de bosser pour se retrouver et que j’envisage difficilement de filer à la sieste dans ce créneau privilégié. J’ai compris qu’il ne peut pas imaginer que nous travaillons, tout simplement parce qu’il ne m’a jamais demandé ce que je faisais dans la vie et qu’il me voit vieille.
2e point : Je dois me coucher à 22 h 30. La raison du coucher avec les poules (pour moi), c’est qu’il est scientifiquement prouvé que le sommeil récupérateur se situe entre 22 h 30 et minuit. Je n’ose lui demander s’il fonctionne à l’heure d’hiver, à l’heure d’été ou à l’heure solaire. Entre ces trois horaires, on a tout de même deux heures d’écart qui, si on raisonne à l’heure solaire, ramènerait mon coucher en été à 20 h 30. Et surtout, ce que je me garde bien de lui dire, c’est que je ne me couche jamais avant minuit. De toute manière, j’écoute sans rien objecter.
3e point : Mes activités avant de dormir. Ne pas regarder d’écran et lire. Il précise, des livres papier. Je ne dis toujours rien, je pense à mes piles de livres, à tout ce que je lis. Heureusement, il ne me conseille pas d’auteur en particulier, mais à un moment, j’ai cru qu’il allait le faire. Peut-être le roman d’aventures d’un navigateur du Vendée Globe ou l’histoire des labos Fabre ?
Après ce 3e point, il me dit qu’il ne faut pas négliger l’apport du magnésium dans la qualité du sommeil.
Et là, ç’a été une détonation dans mon cerveau. Ce que ma psy appelle le stress post-traumatique et qui revient me frapper à l’énoncé de certains mots, à la vision de certaines images, au toucher aussi de certains textiles.
Il a suffi de « magnésium » pour me ramener à ce jour où, il y a plus de vingt ans, j’avais compris que j’allais basculer du mauvais côté, ce jour où j’avais rassemblé mon courage pour aller voir mon médecin. C’était une époque où on pouvait consulter son médecin dans l’heure. J’étais allée la voir pour lui dire que j’allais mal et décidée à lui dire pourquoi. J’étais partie déterminée à lui raconter ce qu’il m’était arrivé. Le viol.
Je m’étais assise en face d’elle en lui disant que j’allais très mal et qu’il fallait m’aider. Elle m’avait répondu que je devais manquer de magnésium et j’étais ressortie de son cabinet sans avoir rien pu lui raconter, mais avec une prescription de magnésium.
Une semaine plus tard, j’étais admise en psychiatrie.
Des décennies plus tard, le mot « magnésium » vient toujours réveiller la honte de la violence que j’ai subie et l’incompétence d’un médecin. Celui d’hier est venu renfoncer le clou et c’est moi qui m’enfonce dans le fauteuil, je vais peut-être pleurer. Je me cramponne, lui sors que je ne supporte pas le magnésium, que ça me colle des diarrhées. Il dit : « Alors, il ne faut pas en prendre. » Ouf ! Exit le magnésium.
J’arrive à me reprendre et lui rappelle que je suis venue le consulter, car j’ai mal à la tête, mal à la gorge, que j’ai de l’asthme et que je suis hyper fatiguée dès que je me lève. J’en ai encore trop dit, il réplique : « La fatigue le matin, c’est psy ! », et c’est là que j’ai décidé qu’il fallait que je cesse de me taire et de m’enfoncer dans mon fauteuil en me retenant de pleurer. Je lui ai dit que je savais gérer mes problèmes de sommeil depuis des décennies, que je m’en arrangeais, que ce n’était pas si grave que ça et je lui répète que ce qui me fatigue, c’est ce virus dont je ne me remets pas. Que pour le reste, j’ai une psy et que je m’en occupe. Il a eu l’air surpris et m’a sorti un truc auquel je n’ai rien compris : « Faut éplucher l’oignon », en même temps qu’avec ses deux mains il mimait un épluchage, l’oignon dans une main et le couteau dans l’autre. Je me suis dit que, quand j’allais raconter ça à ma psy, lors de la prochaine séance, elle risquait de rire. Elle, le couteau et moi, l’oignon ?
Le médecin du Vendée Globe et de Pierrre Fabre a fini par laisser tomber sa théorie sur le sommeil et mes fatigues matinales. Il m’a tendu ma prescription. Un traitement de choc m’a dit la pharmacienne ce matin.
Ça devrait aller mieux rapidement.
lundi 4 novembre 2024
Orange

Internet en panne une fois de plus.
Cela fait partie de notre vie à Montauban et il faut s’en accommoder.
Depuis l’année dernière, nous possédons une airbox (de secours) dont nous avons exigé d’Orange d’en être les propriétaires pour nous dépanner chaque fois qu’on est en rade. Soit parce qu’un petit malin a débranché, soit parce qu’ils réparent sans nous en avertir, ce qui était le cas jeudi dernier. Le technicien nous avait promis que le tableau serait remis en place en fin d’après-midi, mais à 17h il est reparti et nous a laissé en panne pour ce long week-end.
Mise en route de la procédure habituelle au 3900 qui en toute décontraction nous confirme qu’on est en zone de perturbation jusqu’au 6 novembre.
Je rebranche l’airbox pour tenter d’attraper le filet de 4G auquel nous avons accès dans le centre de Montauban, (il faut s’en accommoder aussi …) mais Orange a désactivé la carte SIM. On ne sait jamais, des fois qu’on en abuse…
La technicienne très zen (on doit les obliger à faire du yoga) nous dit d’aller rechercher une carte en boutique, qu’ils nous remettront des datas dessus à volonté, ainsi que sur nos téléphones. Elle demande d’une voix douce si la boutique n’est pas trop loin.
Jno file chez Orange avant qu’ils ferment. C’est pas trop loin, mais quand même.
Le temps que les batteries de l’airbox se rechargent, que je me souvienne de toutes les manips à faire et que je découvre celles pour la nouvelle télé qui par chance est une télé connectée, nous voilà de nouveau opérationnels pour travailler.
Parce qu’en fait, c’est ça le plus difficile : expliquer à Orange qu’on travaille !
Et qu’on paye un abonnement pour regarder la télé quand on a fini de travailler.
Nous avons donc passé notre long week-end avec l’équipement de secours Orange. Un équipement sur lequel ils ne tarissent pas d’éloges, à les entendre, c’est bien mieux que la box et le décodeur.
Depuis jeudi soir, je rêve d’inviter un cadre d’Orange à venir tester chez nous la merveilleuse et bien nommée airbox. Dans notre quartier, il y a surtout de l’air et pas beaucoup de 4G. Pour que ça marche, il faut coller le boitier à une fenêtre et ne pas être exigeant sur le débit internet. Pour la télé, ça marche uniquement si vous avez une télé connectée, vous pouvez regarder les chaines sur leurs plateformes. Mais, un conseil, ne vous lancez pas dans un film et surtout pas un polar, car l’image se fige au rythme d’environ chaque dix minutes.
Pour la Star Académy, ça passe.
Et pour le reste, on a supporté.
Et quand on en a eu trop marre, on est allé au cinéma.
Ce matin, c’était enfin lundi. On se disait que le technicien allait revenir terminer le travail qu’il avait laissé en plan. Jean-Noël proposait de rallumer la box et on verrait bien quand elle afficherait ses diodes fixes. Moi, je n’étais pas chaude pour attendre, je pensais qu’il fallait aller à l’armoire pour parler au technicien. J’ai insisté et Jean-Noël y est allé. Ce n’est pas loin.
La surprise ou mon intuition, c’est qu’il y a trouvé le technicien (toujours le même, à force on les connait tous et ils nous connaissent bien) qui était totalement abasourdi qu’on n’ait pas retrouvé la connexion. Pour lui, tout fonctionnait jeudi soir quand il est reparti, il avait tenu la promesse qu’il m’avait faite. Et si, ce matin, il était repassé à notre armoire (oui, c’est notre armoire maintenant, on se sent en droit de la privatiser, vu comme on s’en occupe), c’était uniquement pour prendre des mesures. Il dit à Jean-Noël : « Vous avez eu une chance incroyable que je sois là, car je ne suis repassé que pour cinq minutes ! », ce que Jean-Noël me répète immédiatement au téléphone : « On a de la chance, il était à l’armoire et il va venir chez nous ! », alors qu’il n’a pas à le faire, mais à force, nous sommes devenus amis et il est réellement embarrassé par la situation, surtout quand Jean-Noël lui a expliqué l’airbox qui brasse de l’air.
Il est donc venu et a compris qu’une fois de plus, nous avions été changés de tiroir dans l’armoire et qu’on ne lui avait pas donné les bons schémas.
Il nous a redit que « notre » armoire était un bazar sans nom et qu’en plus elle puait la pisse. Ça, on le sait, on le constate chaque fois qu’on passe devant et qu’on la referme.
Notre armoire sert aussi de pissotière.
mardi 29 octobre 2024
Un homme m'a fait un cadeau
La semaine dernière, un homme m’a fait un cadeau.
Je ne connais pas cet homme.
Il ne sait pas qu’il m’a fait un cadeau.
Je viens lui dire.
C’est un homme que je croise sur les réseaux sociaux. J’avais pu voir, son nom qui le rendait un peu Flamand — c’est ce que je m’étais dit bien qu’il vive dans le sud de la France — ,sa photo qui confirmait le nom un peu flamand, ses publications qui n’étaient ni une ode aux chats ou à Trump, j’avais donc accepté son invitation.
Et je l’avais un peu négligé, je ne le suivais pas assidument, jusqu’au jour où je tombe sur une de ses publications, une blague idiote et sexiste avec un arrière-plan décoratif qu’on ne peut pas louper. Je ne le connais pas ce Flamand du sud, mais il me consterne. J’avais une autre idée de cet inconnu.
Je me fends d’un commentaire. Je lui dis qu’il n’est pas drôle du tout. En gros, je lui dis qu’il est con. Et je me dis que jamais il ne me répondra, mais qu’au moins, je l’aurai remis à sa place et que peut-être d’autres de ses amis qui avaient rigolé à sa blague le prendront aussi pour eux. C’est le principe du militantisme, agir sans rien attendre de particulier. On agit pour le futur, pour les autres, pour que ça change. La seule chose à laquelle on doit s’attendre lorsqu’on milite, c’est un retour de haine.
Et, cet homme m’a répondu.
Il m’a dit qu’il avait compris combien il avait été stupide et blessant. Il m’a écrit qu’il regrettait d’avoir voulu « amuser la galerie sans discernement » et serait désormais plus vigilant.
Il a supprimé sa blague sexiste.
J’ai refermé mon téléphone en me disant que nous avancions, qu’il y avait des hommes à qui on pouvait parler et qui pouvaient comprendre, ressentir et regretter. Des hommes qui pouvaient dire qu’ils avaient fait une erreur.
C’est tout ce que nous réclamons.
Cet homme m’a fait ce cadeau.
jeudi 3 octobre 2024
Le théâtre à 15 ans.
Le théâtre est entré dans ma vie lorsque j’avais quinze ans. Pas environ quinze ans, ou quinze ans et demi, non, quinze ans exactement, le jour de mon anniversaire. Un 10 septembre, à une époque où les MJC possédaient encore de vraies salles de spectacle, j’ai intégré une troupe de théâtre amateur dans la banlieue de Grenoble.
Mes parents m’avaient accompagnée pour savoir à qui ils confiaient leur fille, ils étaient inquiets, une MJC, ça fait un peu communiste comparé à une aumônerie. Mais le curé de l’aumônerie n’avait pas de troupe de théâtre et je voulais faire du théâtre. C’est ce que j’avais prétendu et dit à mes parents pour ne pas me retrouver à l’aumônerie du lycée.
Le théâtre, je m’en foutais totalement.
Le soir de mes quinze ans, ils m’ont donc accompagnée à la MJC pour m’inscrire aux cours de théâtre et pour rencontrer le directeur de la troupe amateur. Ils avaient dû le trouver pas trop communiste puisqu’ils lui ont dit : « Nous vous confions notre fille », et le directeur de la troupe leur a répondu qu’ils pouvaient compter sur lui. La suite leur montrera qu’ils pouvaient faire confiance à ce type en lui confiant leur fille, mais qu’ils ont peut-être regretté leur empressement. C’est de cette manière peu conventionnelle que j’ai rencontré Simon, l’homme providentiel. C’est une autre histoire.
À quinze ans, je découvrais le théâtre.
Je suis bien née, comme l’on dit. Une famille cultivée en apparence, une famille aisée en apparence, une famille normale en apparence. Tout en apparence. Des livres, mais pas tant que ça, de la musique ; un peu, du cinéma ; à peine, de l’art ; presque pas et le théâtre ; jamais.
Comme une jeune ado encore petite fille — j’ai sous les yeux les photos d’une fille aux cheveux en bataille, aux joues pleines et au regard perdu — j’ai aimé être mise en valeur dans les rôles de femmes que j’interprétais, j’ai aimé les regards des spectateurs sur moi, j’ai aimé les projecteurs. Cela a duré le temps que je grandisse un peu et que je perde mes joues. Je me suis lassée de ces jeux d’amateurs.
Je voulais voir le théâtre du côté des spectateurs.
Jouer ne m’intéressait pas.
À cette époque, il y avait à Grenoble deux jeunes comédiens qui se produisaient dans les MJC ou dans les foyers de jeunes travailleurs. Je ne me souviens plus du nom de leur premier spectacle, juste qu’ils débarquaient sur scène avec une immense valise marron couverte d’étiquettes des pays traversés. Le truc caricatural. J’ai des images de clowns, mais des clowns politiques.
Il me revient cette scène incroyable qui s’est déroulée dans un foyer de jeunes travailleurs quand l’un des deux comédiens sort de scène pour ressurgir avec une moustache hitlérienne collée sur la lèvre supérieure et qu’un spectateur a hurlé en éclatant de rire : « Charlot ! » Dire que la stupeur nous a tous saisis est un faible mot puisque, cinquante ans plus tard, je m’en souviens comme si c’était hier.
Les deux comédiens que nous suivions parce que nous les aimions, s’appelaient Ariel Garcia-Valdès et Georges Lavaudant. C’est avec eux que j’ai vraiment découvert le théâtre.
Leur compagnie s’appelait « le théâtre partisan » et nous les appelions « Les partisans » et ça faisait des tas d’embrouilles dans la société grenobloise bien-pensante qui estimait que des artistes gauchos ne pouvaient pas s’appeler « les partisans », que c’était irrévérencieux et scandaleux.
Rapidement Ariel Garcia-Valdès et Georges Lavaudant n’ont plus été obligés de trimballer leur valise à étiquettes dans les MJC et les foyers de jeunes travailleurs du département, ils ont eu leur théâtre. C’était Le Rio, un beau théâtre à l’italienne, dans un quartier de Grenoble, à l’époque un peu mal famé, mais cela restait un beau théâtre qui faisait le plein. Même si on y était horriblement mal assis.
De tous les spectacles que j’y ai vus, je n’oublierai jamais le Lorenzaccio qu’ils avaient mis en scène. (La première de leurs mises en scène de Lorenzaccio).
La compagnie s’était étoffée, Georges Lavaudant ne faisait plus que de la mise en scène et c’était Ariel Garcia-Valdès qui tenait le rôle de Lorenzaccio. Qu’il était beau ce Lorenzo auréolé de boucles blondes ?! Je n’avais jamais vu une telle beauté dans les traits d’un homme qui incarnait ce rôle à fleur de peau et de sensualité. Si j’ai nommé l’un de mes personnages, Ariel, dans mon roman, c’est parce qu’à 17 ans, j’avais rencontré Lorenzo sur la scène du Rio.
C’est au théâtre du Rio que j’ai compris que l’émotion du théâtre passe à la fois par un texte, une mise en scène et le jeu des acteurs.
Durant les décennies qui ont suivi, nous sommes toujours allés au théâtre, même quand on n’avait pas trop le budget, on se débrouillait avec un copain de Simon qui nous refilait au dernier moment « les astreintes » (les places réservées). L’impression de vivre décalée. Le jour où j’ai dit à une voisine : « ce soir, je vais au théâtre », elle m’a regardée en répliquant : « ah bon ! Tu vas au théâtre ! Pourtant c’est chiant le théâtre… » Oui, ça peut être chiant quand le texte est mauvais, quand le comédien ou la comédienne est inaudible, quand le jeu est convenu, quand la mise en scène est prétentieuse. Oui, ça peut être insupportable et ça peut faire de la peine pour les comédiens qui sont face à vous. Mais à la manière du Lorenzaccio de Lavaudant et du Lorenzo-Ariel, il y a eu aussi dans ma vie de théâtre l’éblouissant Thierry Lhermitte seul sur scène dans « Fleurs de soleil (Peut-on tout pardonner ?) » de Simon Wiesenthal. C’est une émotion indescriptible. Un comédien qui se fond dans un texte, et quel texte !
Le théâtre dans ma vie, ce n’est pas que la MJC et son directeur de troupe, ce n’est pas qu’Ariel Garcia Valdès et Georges Lavaudant, ce n’est pas que Thierry Lhermitte, ce sont des centaines d’autres spectacles.
C’est dans un théâtre que travaille l’un de mes fils. Hasard ou pas, je pensais que le théâtre m’accompagnait aussi de cette manière jusqu’à ce jour où je me suis dit que j’aurais aimé écrire pour le théâtre. Tous ces textes que j’avais entendus jouer sur les planches me parlaient intimement.
J’aimais le dépouillement d’un texte théâtral.
J’aimais le rythme des mots que j’entendais dans la bouche des comédiens et des comédiennes.
J’aimais l’idée qu’écrire pour le théâtre permette de ramasser son texte, de ne pas se perdre dans le descriptif et d’aller uniquement sur ce qu’on avait à dire. Aller à l’essentiel. Le descriptif, c’est l’affaire de celui ou de celle qui fera la mise en scène, c’est eux qui décideront si le comédien est assis sur une chaise ou juché au sommet d’une échelle. Moi, je m’en moque éperdument.
Je trouvais l’idée reposante et apaisante.
J’adorais l’idée de devenir dramaturge. Ce mot qui désigne les auteurs d’ouvrages destinés au théâtre a une belle sonorité dans laquelle on sent déjà l’émotion du théâtre.
J’adorais aussi l’idée de partager et de faire évoluer mon écriture avec des metteurs en scène, des comédiens. Ne plus être seule avec mes émotions.
J’ai écrit.
J’ai soumis mon projet.
On a parlé.
On m’a écoutée.
On va travailler ensemble sur « La Gravière ».
Je ne suis plus seule.
lundi 30 septembre 2024
"La possibilité du viol" ce n'est pas envisageable.
J’ai lu l’article de Sylviane Agacinski (Le Monde du 30 septembre 2024) dans sa totalité et l’ai même relu une deuxième fois pour être certaine qu’elle avait bien écrit : « La virilité masculine, c’est sans doute une puissance physique et sexuelle spécifique sur laquelle repose la possibilité du viol : mais la question est de repenser une virilité civilisée et décente, c’est-à-dire une puissance capable de retenue et de maîtrise de soi.», et je me suis dit qu’elle n’avait jamais dû être violée, qu’elle n’avait jamais été agressée, qu’elle ne connaissait pas cette destruction.
Sylviane Agacinski doit appartenir à ces femmes qui ont eu cette chance et qui ont échappé à cette « puissance physique et sexuelle spécifique sur laquelle repose la possibilité du viol » comme elle l’écrit. Cette « possibilité du viol », c’est précisément ce que nous ne voulons plus subir, c’est précisément ce dont nous voudrions ne plus avoir peur parce que la virilité des hommes ne s’exprime pas de cette manière et que si certains pensent encore que c’est ainsi qu’ils nous montrent qu’ils sont des hommes, ils se trompent. Morgan N. Lucas dans sa tribune du 21 septembre dans Libération ne s’égare pas quand il s’adresse aux hommes en leur disant de ne pas avoir peur quant à leur virilité qui pourrait être mise à mal. Il a raison, il les rassure.
Les hommes n’ont pas besoin de faire une démonstration de leur puissance physique et sexuelle pour séduire une femme puisque sur cette soi-disant puissance repose la possibilité du viol.
La possibilité, en français c’est une éventualité, c’est une perspective et ce n’est pas envisageable. Sylviane Agacinski écrit aussi que « … le patriarcat est fondé avant tout sur une institution familiale désormais révolue, dans laquelle le père avait tout pouvoir sur sa femme et ses enfants. Quant à la culture du viol, la formule est ambiguë dans un pays où, depuis un demi-siècle, cet acte constitue un crime passible de peines sévères, grâce au courage de Gisèle Halimi. » Elle vit dans quel monde pour affirmer que nous sommes libérées du patriarcat ? Elle vit dans quel monde pour parler de « la culture du viol » comme « une formule ambiguë » alors que seulement 0,6 % des viols ou tentatives de viol donnent lieu à une condamnation ?
Elle pense nous faire avaler son analyse parce qu’elle cite Gisèle Halimi ?
On est mieux entendues et défendues par les hommes qui ont le courage de prendre la parole.
Merci à eux de prendre la parole.
dimanche 15 septembre 2024
Rajapaksa et Macron
jeudi 12 septembre 2024
L'injure faite aux femmes
Les témoignages accusant l’abbé Pierre d’abus sexuels allant jusqu’au viol — et à des agressions à l’encontre d’enfants qui peuvent être qualifiées de pédocriminalité — sont de plus en plus nombreux et nous sommes sidérés par ces révélations qui ne sont pas mises en doute puisque « différentes personnes » étaient au courant. Et se sont tues.
Dès que la presse a dévoilé le rapport, j’ai aussi pensé à Lambert Wilson. J’ai imaginé la tempête qui devait le déchirer. Il a incarné l’abbé Pierre dans un film en le représentant comme un être d’exception. Il a même affirmé avoir eu un coup de foudre pour l’homme en personne. Quels sentiments peut-il éprouver aujourd’hui, sinon de la trahison ? N’est-il pas lui aussi une victime de l’abbé Pierre ?
Mardi soir, dans l’émission « C à vous », il était l’invité d’Anne-Elisabeth Lemoine qui lui a demandé comment il vivait cette situation. Livide et pratiquement sans voix, il a exprimé son incompréhension. Le désarroi de tous ceux qui se sont fait avoir et dont nous faisons partie. Ses balbutiements et son air égaré ne laissent pas de place au doute, il n’a jamais eu aucun soupçon et semblait se demander comment il avait pu ne pas en avoir au regard des terribles révélations qui se multiplient aujourd’hui.
Et puis il a malheureusement conclu par ce cliché : « Si l’église réformait le célibat des prêtres, cela n’arriverait pas. » Cela revient à dire que la femme, l’épouse d’un homme, occupe une fonction utile et bestiale qui consiste à lui faire passer ses pulsions sexuelles perverses… C’est une injure faite aux femmes.
Il n’y a malheureusement pas que Lambert Wilson pour sortir une telle ineptie, je l’ai entendue à plusieurs reprises et c’est une manière très lâche de s’en sortir.
Dans le procès des viols de Mazan, qui est le procès des viols subis par Gisèle Pélicot, il n’est pas question du célibat des prêtres, mais d’hommes « normaux ».
Des hommes qui ne sont pas des prêtres, des hommes en couple, des pères de famille.
Ce sont eux qui ont violé Gisèle Pélicot.
vendredi 6 septembre 2024
L'histoire de la nouvelle télé
Nous regardions une minisérie sur Arte —, un début engageant, deux premiers épisodes qui accrochaient, mais les deux suivants très décevants —, quand soudain, il y a eu une étincelle bleue, un bruit de pétard mouillé (un vrai pétard de 14 juillet, pas l’autre) et l’écran est devenu noir. On n’a pas cherché à comprendre si elle était réparable, elle avait quinze ans et on a admis qu’elle avait fait son temps, la vieille était morte.
Le lendemain samedi, Simon est parti chez Darty. Je ne l’ai pas accompagné, j’étais engagée sur une expo de peinture.
On savait ce qu’on voulait, on avait anticipé la mort de la vieille depuis déjà un an, il suffisait de trouver quelle enseigne avait en stock le modèle qu’on avait repéré et surtout dans la bonne dimension. En effet, notre télé est placée sur une étagère de la bibliothèque, encastrée entre des rangés de livre et je refuse de sacrifier des livres pour quelques centimètres d’écran supplémentaire. À l’ère des télés géantes, vouloir acheter une 42 pouces est ridicule, c’est acheter une télé lilliputienne, ce que le vendeur s’est bien chargé de faire comprendre à Simon. Il n’y avait plus qu’un modèle 42 pouces en stock, celui en expo et quand Simon a demandé s’il était vraiment neuf, le vendeur lui a répondu : « Il n’a jamais servi, ces petites télés, on ne les allume jamais ! » Et dans la foulée, il a aussi pu lui dire que, pour cette raison, il ne lui consentirait aucune remise. Mais ça, c’était parce que Simon avait décliné toutes ses offres d’assurance, d’abonnements, etc. Il a pris uniquement le forfait « livraison, installation et reprise de l’ancien matériel. »
Hier, jeudi, c’était la livraison. Avant que les livreurs arrivent, Darty nous a appelés pour nous dire que les livreurs avaient oublié de prendre les accessoires… On ne sait pas bien ce que sont ces accessoires puisqu’ils nous assurent que la télécommande n’en fait pas partie, elle sera livrée avec la télé. Ouf.
Les livreurs arrivent une demi-heure plus tard, la télé sommairement enveloppée de plastique-bulle dans les bras du plus grand, le chef. Il la pose entre les livres et nous demande : « Il est où est le câble pour la TNT ? »
Il avait suffi d’une question pour que je comprenne que nous étions vieux. Et c’est terrible que l’on vienne vous le dire ainsi.
Je lui ai répondu que nous n’avions pas de râteau sur le toit, qu’on avait un décodeur.
Il a fait : « OK, passez-moi le câble HDMI. », ce qu’on a fait, mais le câble ne lui allait pas, il aurait fallu un câble en or ! On comprend que c’est du plaqué et que c’est indispensable pour le fonctionnement optimum de notre télé que soit dit en passant, il était prêt deux minutes plus tôt à brancher sur la TNT. Par bonheur, ils ont des câbles en or dans le camion, il suffit de leur en acheter un, ce que l’on fait sans rechigner pour que tout fonctionne bien.
Déjà qu’on venait de se prendre la remarque que l’on n’avait pas de prise dédiée pour la télé et qu’ils ne pourront donc pas valider l’installation sur une multiprise, on ne veut pas d’embrouille pour une histoire de câble.
Une fois le câble en or branché, le chef me montre le fonctionnement de la télécommande qu’il résume à deux boutons, la mise en route et la navigation entre les chaînes.
Pour les vieux, faut simplifier.
Je me risque à lui parler Bluetooth, il me regarde étonné et s’affole lorsque je lui explique qu’on a choisi cette marque de télé parce qu’ils sont les seuls à proposer deux canaux de Bluetooth distincts. Je lui demande de me montrer, il ne sait pas, il redouble d’affolement et je le rassure : « Je me débrouillerai, je trouverai. »
Je me dis que ça risque de me prendre du temps pour trouver parce qu’il se trouve, que, dans les accessoires manquants, il y a le manuel d’utilisation de la télé. Ils nous expliquent que ce n’est pas leur faute. Ils se concertent, et je les entends dire : « C’est encore la blonde ! » Le chef nous confirme que c’est toujours la blonde qui leur fait les sales coups. Je lui dis que je suis d’accord, mais pas que pour les téloches.
Il me redemande si j’ai bien compris la mise en route et la navigation entre les chaines. Je lui confirme que j’ai compris, j’ai l’impression d’être à l’EHPAD. J’aimerais bien qu’il m’explique toute la partie connectée de la télé, puisque c’est tout de même ce qui est nouveau, mais il est persuadé que j’ignore toute cette évolution numérique, la fameuse fracture. D’ailleurs, pour reposer la mienne, celle de mon ménisque, je me suis assise sur le bout du canapé et c’est ce que le chef interprète comme le signal que la vieille est fatiguée. Il dit à son assistant : « Ramasse le bulle, on y va ! »
Au moment où ils passent la porte d’entrée, Simon leur fait remarquer qu’ils oublient de prendre la vieille — pas moi —, l’ancienne télé qui est posée contre le mur.
Juste avant de nous quitter, le chef nous supplie de bien les noter lorsque nous recevrons le questionnaire de satisfaction, je lui réponds que je sais qu’il faut mettre soit 10, soit zéro pour que ça compte dans leur dossier — entre les deux, ce n’est pas pris en compte —, mais qu’ils ne se fassent pas de souci, je leur mettrai un 10. Il part en me disant : « Merci » et il ajoute : « Quand même, vous vous y connaissez…»
#Darty
mardi 3 septembre 2024
Pourquoi mon roman « Sa vie ressemblait à un orage » est-il retiré de la vente ?
Pourquoi mon roman « Sa vie ressemblait à un orage » est-il retiré de la vente ?
Eh bien, sans doute parce que ma vie ressemble vraiment à un orage !
Je m’étais entourée de toutes les garanties en évitant les comptes d’auteur déguisés, les fausses maisons d’édition, en signant un contrat à compte d’éditeur avec une Maison qui était distribuée et diffusée. Cela n’a pas suffi, il manquait la compétence, l’expérience et surtout la confiance et l’honnêteté, ces ingrédients indispensables entre un auteur et son éditeur. Mon roman a été publié alors que la Maison était déjà sous procédure de redressement judiciaire, une information que je n’avais pas et dont je n’ai eu connaissance que fin juillet en allant me renseigner sur le site du tribunal de commerce parce que j’avais des inquiétudes. Mon conseil qui a examiné la situation et mes contrats (qui sont « nul et non avenu » du fait d’une clause manquante) m’a demandé de devancer cet avenir préoccupant et plus qu’incertain en faisant retirer mon roman de la vente pour retrouver l’entièreté de mes droits et pouvoir ainsi espérer redonner une chance à mon texte.
J’ai écrit ce roman dans la douleur et dans l’urgence, en commençant par me demander chaque jour jusqu’où je pouvais aller, jusqu’au jour où je ne me suis plus posé la question et suis allée jusqu’au bout de ce que je voulais dire quitte à être impudique, quitte à choquer, quitte à être jugée. Et ce laps de temps si court de trois mois aura suffi pour que j’entende qu’il y avait beaucoup de sexe dans mon roman et que j’entende aussi le silence assourdissant qui me jugeait. Ce silence qui avait déjà pris tant de place dans ma vie et qui continuait à m’étouffer.
J’ai reçu aussi des messages réconfortants de femmes qui me venaient me dire que mon roman les avait amenées à se poser des questions, sur leur libido, sur leur liberté, sur leurs choix de vie. On m’a très peu parlé du viol, pour ainsi dire jamais. Comme si ne pas m’en parler était une manière de l’oublier.
Je veux continuer à porter ce texte qui dit que le viol ne concerne pas que des femmes du monde du spectacle même si elles sont largement plus exposées du fait de leur métier qui les met aux ordres d’un metteur en scène, d’un réalisateur. Elles sont sous contrat et doivent obéir, je le comprends et je les crois.
Je vais continuer à dire, à écrire que le viol concerne toutes les femmes, qu’elles soient belles ou moches, qu’elles soient célèbres ou non, qu’elles soient montées ou non, dans une voiture ou dans une chambre d’hôtel, qu’elles soient mariées, fidèles ou infidèles. J’ai écrit sur le viol banal d’une mère de famille, un viol sans emprise, un viol « par surprise » et c’est cette voix que je veux continuer à faire entendre.
Merci à toutes celles et à tous ceux qui ont acheté « Sa vie ressemblait à un orage » et qui m’ont lue. Merci de m’avoir soutenue durant trois mois et de rester à mes côtés.
Conservez bien votre exemplaire, il est unique ! Et pour celles et ceux qui voudraient encore se le procurer, en faisant vite sur les plateformes ou à la librairie de Montauban, ça doit être encore possible pour quelques jours.
Je vous remercie tous pour votre soutien, je vais faire revivre mes mots.
mercredi 21 août 2024
Alain Delon est mort
On savait qu’il allait mourir.
Surtout depuis que Belmondo était mort, je ne sais pas pour vous, mais pour moi, ça avait été immédiat, dès la mort de Belmondo annoncée, j’avais pensé à Delon en me disant, ce sera le deuxième et c’est con parce que j’ai toujours préféré Belmondo.
Comme quoi le physique, hein ?
Le premier film dans lequel j’ai vu Delon jouer, c’est « Borsalino » avec Belmondo. J’étais une petite ado et mon souvenir de ce film, ce n’est ni Delon ni Bébel, c’est Denis, le copain qui m’avait invitée au cinéma. C’était la première fois que j’allais seule au cinéma avec un garçon et je n’avais aucune idée de ce qui pouvait motiver un garçon à emmener une fille au cinéma.
Pour moi, si on va au cinéma, c’est pour regarder un film.
J’avais donc passé la séance les yeux rivés sur l’écran sans jamais attendre la moindre diversion de la part de mon copain au point qu’il n’y en a eu aucune. L’avais-je découragé en faisant preuve de ma seule passion cinéphile ? Avait-il lui aussi le cinéma chevillé au corps au point de rester les bras croisés, le dos droit sur son fauteuil ? Le fait est qu’il n’a rien tenté et qu’on s’est fait « Borsalino », chastes comme un couple fatigué.
Pourtant, tous les voyants étaient au vert, les parents de Denis m’aimaient beaucoup et sa grand-mère constituait une cagnotte en vue de notre mariage.
Du côté de mes parents, les voyants devaient un peu clignoter, car la famille de Denis était de gauche, son père syndicaliste à la SNCF, ils passaient leurs vacances en RDA, le pays du diable rouge.
Physiquement, Denis n’avait rien d’un adonis, cheveux bouclés et un peu dodu, il était le sosie de Joe Dassin. On était loin d’Alain Delon.
Jusqu’à ce moment de mon récit, on peut supposer que j’étais l’amie d’un type qui était le sosie de Joe Dassin parce que je n’avais rien d’autre à me mettre sous la dent pour aller siffler sur la colline et que, si j’avais rencontré Alain Delon, j’aurais laissé Denis siffler tout seul.
C’est une supposition qui ne fonctionne pas puisque j’avais presque rencontré Alain Delon. Le frère de ma meilleure amie était son sosie parfait, la même silhouette, le même regard bleu dans un visage fin auréolé d’une tignasse brune de sauvage. Séducteur invétéré, toutes les filles se pâmaient dans ses bras, sauf moi ! Il ne me plaisait pas. Je ne lui trouvais rien d’autre qu’une beauté glaçante, je lui préférais mon petit Joe Dassin un peu enveloppé et si peu entreprenant.
J’aurais pu oublier le don Juan aux yeux de saphir, qui, lui aussi s’appelait Alain — ça ne s’invente pas —, mais chaque fois que je voyais Delon, il me rappelait la beauté glaçante de l’Alain de mon adolescence et l’arrogance de ceux qui proclament, je suis beau.
Delon est mort et j’aurais pu m’en moquer totalement s’il ne m’avait pas de nouveau rappelé l’autre Alain, qui savait lui aussi qu’il était irrésistible, celui qui faisait tomber toutes les filles dans ses bras, sauf moi.
Lundi soir, j’ai regardé « Plein soleil » à deux doigts de m’ennuyer. Des acteurs insipides qui jouaient comme des pieds, une bande sonore qui ponctuait chaque action d’un coup de cymbales et un scénario qui traînait en longueur. Même Marie Laforêt n’avait pas l’air de Marie Laforêt.
J’ai bien observé Alain Delon, je me suis imaginée en situation et je me suis dit : « Bof… non ! Définitivement non. »
dimanche 11 août 2024
Le mec de la tombe d'à côté
« Le mec de la tombe d’à côté »
Katarina Mazetti traduction Lena Grumbach et Catherine Marcus) Ed Actes Sud. Collection Babel
Tout le monde l’a lu et tout le monde a dit que c’était un livre formidable, d’ailleurs c’est un best-seller adapté au cinéma et au théâtre, donc c’est forcément vrai.
Je ne l’avais jamais lu, je suis toujours un peu méfiante sur ces succès proclamés, mais la semaine dernière « Le mec de la tombe d’à côté » trainait dans un vide grenier entre une boite de Play Mobil et un séchoir à cheveux et la vendeuse me l’a laissé pour 1 € en me le recommandant. Je me suis dit que pour 1 €, j’allais satisfaire ma curiosité et que tant pis pour mes principes sur les droits d’auteur, il y a eu tant d’exemplaires vendus et de droits sur les adaptations que je peux me permettre cette entorse à mes convictions.
Je résume le roman en quelques lignes, car je suis certaine que vous l’avez tous lu, il n’y avait que moi pour ne même pas connaître le synopsis.
Désirée, une jeune veuve se rend sur la tombe de son mari dont j’ai oublié le prénom — c’est genre meuble Ikea — et elle rencontre Berny qui entretient la tombe voisine, celle de ses parents. C’est le début et il faut reconnaître que c’est assez bien foutu, la rencontre amoureuse entre Désirée et Berny est délicieuse et à leur âge on ne leur souhaite que ça. Leur première sortie amoureuse se déroule à la piscine et on se dit qu’il y a que les Suédois pour imaginer un premier rendez-vous dans une piscine, mais comme ils vont plus tard se tartiner des Wasa et lire le Dagens Nyheter (le grand quotidien suédois équivalent au Monde), tout est assez normal pour un roman suédois.
Ce sont les trente premières pages, le sourire à tomber de Berny, son odeur d’étable et ses fringues de fermier puisqu’il élève des vaches et le côté insipide et fade de Désirée qui est intello et bibliothécaire. Trente pages durant lesquelles j’ai souri malgré la facilité sous-jacente avec laquelle l’auteure joue avec le lecteur, des ficelles un peu grosses, des scènes sexuelles qui manquent de sensualité et qui évoquent plus le clapier à lapins. Mais bon, ça me faisait encore rigoler même si c’était un peu vulgaire.
Et puis quand on est arrivé sur le terrain du gouffre culturel, ça s’est soudain gâté pour moi. Lorsque Désirée découvre que son amant qui l’envoie au septième ciel vit dans une ferme un peu crade et décorée de tableaux au point de croix et de napperons brodés, ça devient gênant. On se retrouve dans « L’amour est dans le pré », les clichés qui font rire, la bienveillance en moins parce que dans le roman, Désirée ne fait pas de cadeau à Berny. C’est d’ailleurs lui qui lui en fait, des cadeaux ringards dont elle se moque ouvertement. Et là, ça devient méchant et cruel parce que Berny, dès le départ il est gentil, touchant avec son sourire désarmant et que je me dis que même s’il a des goûts de chiotte, il ne mérite pas de se faire dézinguer comme ça. Moi, un mec performant et gentil à ce point, je fais un effort.
Je suis arrivée à la moitié du roman en tournant les pages rapidement, car Désirée devenait carrément antipathique, que le roman devenait très vulgaire — pour que je le dise, c’est que ça doit l’être?! — et que l’histoire ne m’intéressait déjà plus.
J’ai refermé le livre, car je n’avais plus aucune sympathie pour les personnages, tout était devenu cruel et méchant gratuitement et ne servait à rien et l’écriture déjà pas trop extraordinaire était devenue poussive à souhait.
Bon, je sais, des centaines de milliers de lecteurs ont adoré ce roman et vous en faites peut-être partie… eh bien, moi, je n’ai pas du tout aimé et je ne comprends pas l’engouement qu’il y a eu pour ce titre.
Ma consolation ? Ce même jour, j’ai trouvé « Passion simple » d’Annie Ernaux en grand livre dans l’édition originale de Gallimard qui va remplacer ma version poche sur l’étagère de ma bibliothèque.
samedi 27 juillet 2024
La cérémonie
Vendredi 26 juillet 2024, 19 h 30. Cérémonie d’ouverture des JO de Paris.
Je n’étais pas partie enthousiaste et je suis arrivée au bord des larmes.Je ne suis partie nulle part et ne suis arrivée nulle part, je suis restée sur mon canapé durant quatre heures. Et pourtant j’étais ailleurs. Il a fallu qu’ils se dépassent pour que je décolle, car j’avais d’emblée adopté la posture « ils vont nous faire un spectacle de beaufs » et comme en plus, c’était Macron qui nous l’avait vendu mardi soir avec ses sourires complices et faux cul, c’était mal parti.
Et en plus, il pleuvait, mais là, j’étais plutôt contente que le petit roi n’ait pas la météo de son côté. Il peut dissoudre à qui mieux mieux, mais la météo, ça lui échappe encore. Hier, la pluie avait cet aspect rassurant, elle se jouait des désirs de notre roi.
Céline Dion ne m’emballait pas trop non plus, je reste assez indifférente à ses prestations, mais je savais que l’une de mes amies trépignait depuis que le nom de son idole avait été prononcé dans les pronostics, alors j’avais fini par espérer qu’elle se produise. Pour mon amie. Juste pour elle, pour qu’elle soit émue devant son écran. Mon scepticisme bougon a lâché en à peine trente minutes. J’ai cette qualité, je ne reste pas campée sur une mauvaise impression, je ne demande qu’à me faire emporter par le bonheur.Hier soir, c’était bien plus que du bonheur, c’était de la créativité, de l’audace, de l’impertinence, de la solidarité, de la parité, de l’inclusivité dans un flot de musique et de lumière. C’était tellement inattendu que je me suis surprise à penser : « Mais les organisateurs sont moins bornés que l’image d’eux qu’ils nous donnaient à voir. » J’avais presque honte de les avoir jugés si rapidement.
Après tout ce que Aya Nakamura s’était ramassé depuis le printemps, je n’avais pas envisagé une telle réponse. Et ils l’ont fait.
L’Académie française, la garde républicaine et Aya Nakamura en marche, somptueusement altière et fière.
La claque à l’extrême droite.
Les drag queens et les transgenres, ils l’ont fait aussi dans une mise en scène d’un culot incroyable. La cène !
Il était temps que nous venions leur dire devant le monde entier qu’ils existent et qu’ils ont leur place dans notre société n’en déplaise à l’extrême droite — qui a encore détesté — et aux évêques qui se sont étouffés d’indignation. Ces derniers feraient d’ailleurs bien de la mettre en veilleuse depuis les révélations de la semaine dernière sur leur saint abbé.
Plus la cérémonie avançait en glissant sur la Seine — tant de Seine, de scène et de cène ! —, et plus j’aimais la pluie dont le reflet des gouttes sublimait les images, le piano qui dégoulinait comme un film indien sous la mousson, les flaques qui giclaient sous les talons des mannequins queers, les athlètes hilares emballés dans des ponchos de plastique transparent pour ne pas ruiner leur tenue de gala, tout me semblait à l’unisson d’un « oui, il pleut, mais on s’en fout, on veut faire la fête et on la fera. On a des choses à dire et on les dira. Même sous des trombes d’eau. »
Céline Dion a chanté pour mon amie.
Je suis allée me coucher heureuse.
La France avait courageusement montré au monde entier que l’on avait le droit d’être différent et impertinent avec grâce.