lundi 9 décembre 2024

Boucher de Joyce Carol Oates

 


Joyce Carol Oates, Boucher, traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Seban. Philippe Rey, 480 pp., 25 €

C’est un grand roman effrayant. 
Le boucher du roman c’est le Dr Silas Weir, un personnage créé à partir de trois scientifiques américains ayant réellement existé. 

Le roman se déroule au milieu du 19e siècle et dépeint dans le détail les expérimentations du Dr Weir sur des femmes internées dans un asile d’aliénées. 

« Mon intention était de suivre un plan méthodique : retirer chirurgicalement les organes féminins un par un — ovaires, utérus, clitoris, vulve et autres parties résiduelles du vagin — chez une série de sujets de mon laboratoire ; afin de déterminer lequel, le cas échéant, pouvait être responsable de l’hystérie ». Ainsi parle Silas Weir, qui défend la thèse que, selon lui, si les femmes souffrent de troubles mentaux, c’est parce qu’elles ont un utérus, des organes génitaux (qui le dégoutent) et que l’ablation de ces organes est la solution pour les soulager. 

Toutes les femmes sont concernées, les riches comme les indigentes, mais il mène ses expériences et s’exerce sur des femmes sans défense, celles qu’il peut opérer sans anesthésie, sans leur consentement. Peu importe, leur pathologie, il peut décider de leur trancher la langue simplement pour en observer le résultat.   Quand il estime qu’il a obtenu des résultats probants, il propose ses services de bon docteur gyno-psychiatre aux maris de la bourgeoisie qui lui livrent leurs épouses et qui lui payent des honoraires.  

À toutes ces expérimentations les plus abjectes sur le corps des femmes, vient, presque anecdotiquement, se mêler en toile de fond, le récit des bébés nés de viol, déclarés mort-nés pour être proposés à l’adoption à de riches couples contre un don fait à l’établissement… Le sujet universel dont on ne se débarrasse jamais parce qu’il est une réalité.

Le Dr Weir est d’autant plus diabolique qu’il n’est animé que par le désir de réparer le corps des femmes déchiré par des maternités précoces qui ont provoqué des fistules uro-génitales. Son dégout et sa fascination, doublés de son incompétence, le poussent au pire ou au meilleur.

À la lecture de ce roman, je n’ai pu m’empêcher de penser à toutes les victimes des implants vaginaux à travers le monde. Le parallèle me semble évident, au point que je me demande si Joyce Carol Oates n’a pas mené aussi une recherche sur ce scandale sanitaire actuel. 

Avec « Boucher », Joyce Carol Oates nous plonge dans l’horreur de la violence patriarcale dans le milieu médical qui se donne le droit d’utiliser le corps des femmes réduites au silence.

C’est toujours d’actualité et c’est la force de son roman. 


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