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Prière pour Paris - ©Véronique Piaser-Moyen |
Je dédie cet article à toutes les victimes de toutes les guerres et tout particulièrement aux victimes du 13 novembre à Paris.
Avoir la tête pleine à éclater et n’avoir rien à dire, c’est sans doute ce qui qualifie l’état de sidération.
Nous sommes sidérés.
Il paraît que c’était attendu, qu’il ne manquait que la date précise aux stratèges de la république. Tout le monde s’entraînait à cette nuit d’horreur, sauf nous.
Nous, on ne savait pas.
Moi, je ne savais pas.
Je ne voulais pas.
J’ai grandi avec les récits de guerre de mes parents et de mes grands-parents, un grand père colonel et l’autre général, ça nourrit les soirées familiales. Beaucoup de récits et seulement des récits, rien qui ne touche vraiment à l’intime de ce qu’ils avaient vécu. Leur fuite en zone libre et sans doute le plus poignant, le récit de mon père qui avait participé, très jeune homme, à l’accueil des déportés dans l’hôtel Lutecia.
L’autre image et sans doute la seule qui ne m’ait jamais lâchée, est celle de mon grand-père, le colonel qui proférait à notre égard, nous ses petits-enfants, une menace récurrente : « Ce qu’il vous faudrait, mes petits-enfants, c’est une bonne guerre. »
J’avais une douzaine d’années quand je l’entendais prononcer ces mots et je me disais qu’il n’était qu’un sale con. Il nous souhaitait une bonne guerre après avoir rigolé dans son fauteuil en regardant Bonne nuit les petits.
C’est terrible parce que c’est vrai.
Oui ! Gros nounours le faisait rire et Pimprenelle et Nicolas le faisaient fondre.
Ce type qui avait pris une balle dans la tête, qui avait été fait prisonnier, qui avait vu les ravages de deux guerres, ce qu’il souhaitait à ses petits-enfants, c’était d’en subir autant.
À partir de ce moment-là, je me suis dit que, malgré ses galons, il n’était qu’un imbécile et que je ne me souhaitais pas la guerre ni à moi ni à mes enfants ni à personne.
J’ai grandi avec sa menace, cherchant comment il faudrait faire pour éviter ce destin qu’il nous souhaitait. Je me suis toujours demandé, et, encore aujourd’hui, pourquoi il avait ce souhait pour sa descendance. Je ne sais pas.
Mon raccourci à son sujet était de me dire qu’il était con et que c’était peut-être la guerre qui l’avait rendu con et ensuite vieux con.
C’était ma thérapie à l’égard de l’angoisse qu’il a générée en moi pour toujours.
J’ai vieilli et sa prophétie m’a poursuivie, me questionnant sans cesse sur le bon côté qu’apporterait une guerre… s’il nous le souhaitait, ce ne pouvait être que pour notre bien-être… sinon, c’est ce qu’il ne nous aimait pas et nous souhaitait le pire en rigolant aux blagues du gros nounours de Bonne nuit les petits.
Eh bien, maintenant, je sais qu’il ne nous aimait pas.
J’en suis vraiment certaine.
Aujourd’hui, j’entends ses mots qui me harcèlent et je serre les poings pour mes enfants et mes petits-enfants,
je n’aurai de cesse de leur dire que je ne veux pas qu’ils vivent ces horreurs et que je veux les protéger.
Je repousse la prophétie ignoble.
J'ai également eu droit à cette même phrase pendant mon enfance....................elle m'a traumatisée ,à me réveiller la nuit croyant entendre des chars passer dans la rue..............beaucoup de nuits, sans jamais en parler à qui que se soit............et puis je me suis mise à espérer ...................notre génération ,et les futures, ne connaîtront pas la guerre..............maintenant je sais que la mémoire de l'Histoire n'est qu'illusion et que les "Hommes" sont fous .............puis-je me tromper!
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