Ryan, mon petit fils, l’enfant de mes enfants, mon enfant,
mon amour.
Tu es le petit homme qui ne ressemble à personne car tu ne
ressembles qu’à ces deux personnes qui sont tes parents. Cette ressemblance à
la fois inexistante et exclusive est très troublante et elle me plait.
Tu es celui qui vient me dire que la chaleur du Sahara est au
creux de ton ventre, que la rue de la kasbah est au bout de ton doigt, que la
douceur du thé est sur tes lèvres.
Tu es le petit homme au profil de pharaon et aux yeux d’un
Orient débordant de rêves.
Tu es le petit homme incarnant mes souvenirs de pays que je
ne reverrai plus.
Tu es mon évidence. Je te connaissais avant que tu ne
viennes au monde, je savais qu’un jour tu serais là et me tiendrais la main
avec confiance.
Je la sens toujours ta petite main dans la mienne, toute
abandonnée et aimante et je ne la lâcherai pas.
Nous savions qu’il allait falloir être fort depuis déjà un
moment, mais depuis vendredi soir nous le savons encore plus.
Les crevures qui veulent nous empêcher de vivre n’auront pas
le dessus, je te le promets. Nous allons continuer à vivre, à rire, à boire, à
être irrespectueux, à être artiste, à déranger, ça je te le jure.
Nous allons aussi empêcher les salopards de fascistes de
faire la loi.
Je sais que tout cela est compliqué pour toi et c’est mieux que tu ne comprennes pas tout et que tu laisses juste ta petite main dans la mienne.
Je sais que tout cela est compliqué pour toi et c’est mieux que tu ne comprennes pas tout et que tu laisses juste ta petite main dans la mienne.
Moi, je sais ce que j’ai à faire et à dire et tu peux
compter sur moi.
Cela fait déjà bien longtemps que je dis à des gens que je
ne les aime pas et que je ne veux plus les voir, mais je crois que je vais me
montrer plus vigilante encore.
Tu vois, c’est comme ça, mais je ne leur trouve pas d’excuses
à ces gens racistes qui ne font pas de différence entre une crevure islamiste
et un musulman ou tout simplement quelqu’un qui est né de l’autre côté de la Méditerranée.
Je suis du même avis que Philippe Torreton, il n’y a plus d’excuse car à force
de vouloir les comprendre on les laisse prendre de l’importance et un jour il
sera trop tard.
Dans un an et demi, nous allons élire notre Président de la
République et il faudra choisir. Cela sera peut-être compliqué et nous ne
savons pas encore quels seront les noms des candidats mais je sais ce que j’aurais
à faire ce jour là.
C’est un peu pour cela que je t’écris aujourd’hui Ryan, c’est
pour te dire ne pas t’inquiéter, on ne va pas faire n’importe quoi.
J’espère que je pourrai jusqu’au bout voter pour le candidat
de gauche, mais ce n’est pas certain. Si jamais ce n’était plus possible, je
voterai pour le candidat qui sera en face de Marine le Pen, celle qui est
fasciste et dont nous ne voulons pas.
Je viens te dire cela car jusqu’à cette semaine, je pensais
que cela était évident d’empêcher Marine le Pen de prendre le pouvoir, mais
j’ai peur de comprendre que les évènements très graves que nous vivons ne
fassent infléchir des mentalités en inventant des peurs et des haines.
Je te fais cette promesse que je voterai pour le candidat
qui sera en face d’elle car c’est le seul moyen dont nous disposons pour voter
contre elle et ceci quel que soit le candidat.
Je l’ai déjà fait et je ne l’ai pas regretté même si le
Président Chirac n’a jamais semblé se souvenir que j’avais voté pour lui. Je
lui en ai un peu voulu sur le coup, mais après j’ai bien réalisé que je n’avais
pas voté pour lui, mais contre le Pen, donc c’était un peu normal qu’il ne
fasse pas trop cas de moi.
Nous ne lâcherons rien Ryan.
Ta petite main dans la mienne.
Tes yeux des mille et une nuit pour éclairer notre chemin.
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