dimanche 19 octobre 2014

L'artiste, le chercheur et la créativité.



 
Alors c'est quoi être un artiste ?
Quand on ne passe pas son temps dans les cocktails de vernissage, sur la route entre deux salons, sur Facebook à soigner sa communication (et son ego), on fait quoi et on est quoi ????????????
Cette question précise de savoir ce que veut dire "être artiste", elle est récurrente en ce qui me concerne.
Je me la pose depuis le jour où quelqu'un m'a dit que c'était bien que je peigne car cela m'occupait, ça me faisait passer le temps.
Le temps, il ne fait que passer et filer entre mes doigts, alors je me suis dit que ce n'était surement pas  pour passer le temps que je peignais et encore moins pour peigner la girafe.
Peindre n'est donc pas un passe-temps. Artiste encore moins.
Et je me suis questionnée tant et plus sur cette activité qui n'était pas un passe-temps et qui semblait totalement inclassable aux yeux d'une majorité.

Pourquoi je peignais ?
Pourquoi j'y consacrais tant de temps, tant d'énergie ?
Pourquoi cela me fatiguait-il autant ?
Pourquoi cela me procurait-il autant de frustration et autant de fulgurances de bonheur ?

Et il m'est venu l'impression qu'entre l'artiste et le chercheur il y avait un terrain commun.
Dans les dictionnaires la définition du nom commun "chercheur" est : personne qui cherche, qui s'adonne à la recherche.
Pour l'adjectif "chercheur", on peut lire : curieux, avide de faire des découvertes.

Jusque là, mon idée d'un trait d'union se confirme puisqu'à mes yeux un artiste est aussi une personne curieuse qui cherche et est avide de découvertes.
Et je ne trouve nul part qu'un chercheur passe le temps et peigne la girafe.

Il n'y a que De Gaulle pour avoir brocardé les chercheurs en disant : « Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche. »
Ce n'était pas très délicat de la part d'un homme qui s'était montré plus intelligent que ça dans le passé, mais il parait qu'il aurait aussi dit : « Il faut laisser ces gens [les chercheurs] faire leurs gammes, même si cela coûte cher » .

Cette idée de "faire des gammes" justement, est ce qu'elle n'est pas propre à l'artiste ? Le musicien naturellement fait ses gammes, mais le comédien aussi en déclamant, le chanteur en vocalisant et le peintre en peignant !
Et voilà que le chercheur fait aussi ses gammes.
Le chercheur cherche.
L'artiste cherche.
Je me suis trouvée devant ce constat avec le sentiment d'avoir fait un grand pas sans pourtant oser conclure qu'un artiste était un chercheur ou qu'un chercheur était un artiste.
Je me sentais fière et victorieuse tel le soldat brandissant le drapeau à la bataille d'Iwo Jima.

Et puis comme je suis curieuse, (je viens de le démontrer: curieuse puisque artiste), je fais une recherche dans Google sur les liens entre chercheurs et artistes.
C'est là que je manque d'organisation dans mon questionnement, j'aurais dû commencer par cette recherche ...

Et Google me dit que Gilles Deleuze a traité de ce sujet précis en 1990 dans son recueil Pourparlers. Il écrit  : "Ce qui m'intéresse, ce sont les rapports entre les arts, les sciences et la philosophie. Il n'y a aucun privilège d'une des ces disciplines l'une sur l'autre. Chacune d'entre elles est créatrice. Le véritable objet de la science, c'est de créer des fonctions,le véritable objet de l'art, c'est de créer des agrégats sensibles et l'objet de la philosophie, créer des concepts. (...) Comment est-il possible que sur des lignes complètement différentes, avec des rythmes et des mouvements de production complètement différents, comment est-il possible qu'un concept, un agrégat et une fonction se rencontrent ? "
La publication de Valérie Devillard sous la direction de Monique Sicard: "Chercheurs ou artistes ? Entre art et science, ils rêvent lemonde" est vers ce lien :
<a>http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1996_num_14_75_3695</a>

C'est là que ça m'a fait un gros coup de blues. 
Deleuze était déjà passé par là et il dit qu'à priori il n'y a pas de points communs sauf qu'il laisse planer le doute et donc l'espoir.
C'est toujours comme ça avec les philosophes, c'est à toi de conclure.
Tout ce temps passé à me questionner, à questionner mes proches, à observer les artistes, à scruter le chercheur que j'avais sous les yeux ... Tout ça pour ça... comme on dit quand on ne sait pas quoi dire.
Je me posais des questions sur un truc déjà débattu... La déception.

Et puis je finis par me dire que si  cette recherche commune existe c'est forcément  pour déboucher sur un concept. On ne cherche pas pour rien !

C'est la créativité.
Il n'est plus question de chercheur ou d'artiste mais bien de créativité.
Le voilà ce terreau commun qui nous anime tous fébrilement, les chercheurs et les artistes.
Cette quête qui nous fatigue et nous porte au nirvana.
Ce graal qui fait soudain surgir envie, jalousie et autres sentiments haineux et actions délictuelles.
La créativité.

Cette créativité qui est le fruit de nos recherches qu'elles soient scientifiques, philosophiques ou artistiques, est un produit précieux dont nous ne connaissons pas les secrets de fabrication.
L'inspiration semble en être le point de départ et nous avons besoin de la créativité des autres pour créer à notre propre compte.
Personne n'a encore inventé une créativité artificielle même si il y a eu des tentatives elles aussi artificielles qui n'ont pourtant pas emporté leurs créateurs au paradis.
La créativité n'est donc pas une denrée dont on dispose en libre service et que l'on pourrait acheter ou aller dérober chez les autres.
Elle nous appartient.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire