samedi 4 octobre 2025

Une onde d'empathie

 

©Patricia Huchot-Boissier

UNE ONDE D’EMPATHIE

C’est un meeting de campagne. On dit une réunion publique. C’est pareil.
Simon et moi sommes assis au deuxième rang sur le côté gauche et assistons au spectacle. Car c’est un spectacle auquel nous sommes venus assister uniquement dans le but de rencontrer à sa sortie de scène, le petit homme qui s’agite devant nous. 

Le petit homme tient les propos que les spectateurs sont venus entendre, il les conforte dans leur xénophobie et leurs certitudes, il les fait applaudir. Il les y encourage encore et encore et soulève l’enthousiasme. 

Simon me soulève et me tire quand il faut se lever, il m’intime : Lève-toi. 

Mais nous n’applaudissons pas.
Dès le début, le petit homme nerveux m’avait remarquée. Je m’étais placée en sorte. Deuxième rang, bord d’allée centrale. 

Puis il m’a repérée. Je ne souriais pas, effarée par son discours haineux, je me contenais. 

Et elle est arrivée dans l’allée, en Pataugas et blouson fleuri, ses deux boitiers sur l’épaule, elle s’est assise sur le sol à ma droite et a travaillé ainsi, visant le petit homme avec son téléobjectif. Je l’ai reconnue, il y a trois ans, elle m’avait photographiée pour la quatrième de couverture de l’Humanité, elle avait fait de belles photos, elle m’avait dit : La quatrième de l’Huma, j’ai pas le droit de me rater. Je lui avais répondu que, moi aussi, j’avais pas le droit de me rater. 

Elle se retourne, son regard parle.
Elle continue ses prises de vues du petit homme qui gesticule, elle vérifie ses images sur l’écran. Elle possède un magnifique boitier à la pastille rouge que je lui envie. Je suis heureuse pour elle. 

Et soudain, elle pivote légèrement vers moi, tends son bras dans l’allée pour venir chercher le mien, elle glisse sa main sur mon poignet et doucement l’effleure d’une caresse jusqu’au bout des doigts. 

Une onde d’empathie m’envahit. 

Le petit homme a terminé. Applaudissements debout. Je profite de cette diversion pour filer devant l’estrade que je franchis aisément. Il est surpris, habituellement, les groupies restent au pied du plateau, ce qui lui permet de dominer. Là, je suis franchement une tête au-dessus et je parviens à lui parler le temps qu’un garde du corps me fasse reculer. 

Nous sommes repartis aussitôt.
Simon m’a dit : J’ai vu le geste de la photographe. Tu ne dois garder que cela et y puiser ton courage.  


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