samedi 11 octobre 2025

Dans la nuit solitaire

 


Dans la nuit solitaire de V. V. Ganeshananthan, Éditions Autrement

[Brotherless Night]

Traduction (Anglais) : Johan-Frédérik Hel Guedj

Women’s prize for fiction 2024


Synopsis 

Jaffna, Sri Lanka, 1981. Sashi, seize ans, veut devenir médecin. Mais au cours de la décennie qui s’ouvre, la guerre civile qui éclate dans son pays met à mal son rêve. Alors que ses quatre frères et leur ami d’enfance sont tour à tour happés par le conflit, elle accepte de prêter main forte dans un hôpital de campagne tenu par les Tigres tamouls. Après l’assassinat de l’un de ses professeurs de médecine par les Tigres, Sashi éprouve au plus profond d’elle-même le déchirement de ce conflit tragique et fratricide qui s’est invité au sein de sa famille. Elle décide alors de suivre sa propre voie : aider tous ceux qui en ont besoin, même au péril de sa vie.
« Dans la nuit solitaire », retrace le destin hors du commun d’une jeune femme prise dans les remous de l’histoire. Une fresque flamboyante sur l’amour en temps de guerre, portée par une plume délicate et sensible.

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J’ai terminé « Dans la nuit solitaire » la semaine dernière et, comme après la lecture de « Salamalecs » et de « Friday et Friday » d’Antonythasan Jesuthasan, il m’a fallu quelques jours pour reprendre mes esprits. 

C’est un roman qui se déroule à Sri Lanka, dans le nord, durant la guerre qui a opposé les Tamouls et les Cinghalais durant des décennies. Une guerre terrible dont le reste du monde n’a pas eu connaissance ou presque, mais que nous suivions de près puisque notre fille est née à Sri Lanka en janvier 1985, que nous y sommes retournés maintes fois et que nous y avons même vécu puisque nous avons possédé une maison sur la côte est. 

De même que la guerre s’est déroulée dans l’indifférence du reste du monde, ce roman restera sans doute une niche dans le monde des lecteurs. Pour moi (comme pour les romans d’Antonythasan Jesuthasan), c’est chaque fois une immersion qui est à la limite du naufrage. Nous avons vécu dans ce pays, nous y avons voyagé à la limite de la ligne de front, sans jamais réaliser l’horreur de ce qui se déroulait à quelques kilomètres de nous. Sri Lanka est une petite ile, tout se déroule toujours dans un périmètre restreint et, lorsque je lis les textes de ces auteurs tamouls (il aura fallu quinze ans et l’exil pour que leur plume se libère), je me retrouve à emprunter les mêmes routes qu’eux, à me souvenir des camps de réfugiés que nous avions découverts quelques mois après le cessez-le-feu. J’ai l’image de ces villages entièrement rasés à l’exception des puits et des étroites cabanes des WC qui se dressaient fantomatiques au milieu d’un terrain vague. Il m’a fallu du temps pour que mon cerveau décrypte l’image et me fasse réaliser que les soldats avaient épargné les puits et les WC, les deux indispensables pour pouvoir ensuite s’installer et occuper le terrain. 

« Dans la nuit solitaire », V. V. Ganeshananthan retrace ces années de guerre avec une sincérité qui n’autorise pas à se ranger plus d’un côté que de l’autre. Son personnage principal, Sashi, va s’engager aux côtés des Tigres (les indépendantistes tamouls), mais elle nous fait aussi partager ses doutes. L’armée indienne envoyée en renfort n’apportera pas la paix tant espérée, mais bien au contraire, elle multipliera les exactions à l’encontre de la population. Rajiv Ganhdi le paiera de sa vie. 

V. V. Ganeshananthan a mis dix-huit ans à écrire ce roman, à mettre des mots sur la guerre civile de Sri Lanka, car elle savait que seuls les mots écrits dans un livre peuvent laisser une trace indélébile. 



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