lundi 16 juin 2025

La Croix du 13 juin 2025


 En réponse à l’article « Faire famille » de Fabienne Lemahieu, La Croix du 13 juin 2025


Non, nous n’avons pas l’impression d’être des voleurs d’enfants ! 

Ceux qui ont volé ces enfants, ce sont ceux qui nous ont escroqués en nous laissant penser qu’ils étaient orphelins, qu’ils avaient été abandonnés, qu’ils n’avaient plus de parents et qu’il n’y avait pas d’autre solution pour eux qu’une adoption hors de leur pays d’origine. 

Nous nous étions entourés de toutes les garanties et avions fait confiance aux institutions et aux états concernés, mais depuis maintenant sept ans, nous savons que les adoptions internationales sont tachées d’irrégularités qui peuvent être qualifiées de trafics d’enfants et qui, pour certaines, relèvent de la disparition de personne et de crime contre l’humanité. Nous n’avons pas des « impressions » comme un ministre a aimé nous le dire pour nous mettre au pas, nous possédons des preuves que nous sommes allés chercher à la fois dans le pays d’origine de notre enfant et en France. Ce ne sont pas des impressions. 

Alors on peut, comme certains l’ont fait sans aucun scrupule, établir une hiérarchie et déclarer qu’une adoption irrégulière n’est pas une adoption illégale et que s’il manque uniquement le consentement de la mère biologique dans un dossier d’adoption, on peut s’en arranger. Moi, je ne m’en arrangerai jamais : comment considérer que l’absence du consentement de la mère biologique ne serait qu’une petite irrégularité du dossier ? Comme une erreur sur un acte d’état civil ou une absence totale d’existence sur les registres d’état civil du pays de naissance de l’enfant ne serait pas répréhensible, alors qu’il est maintenant établi que cet « oubli » constitue un premier pas dans le processus d’un trafic d’enfant en vue d’une adoption, surtout quand on sait que cet enfant aura besoin d’un passeport pour sortir de son pays et il faudra que l’on m’explique comment on peut produire un passeport pour une personne qui n’existe pas sur les registres d’état civil de son pays et que, par la suite, un visa sera apposé sur ce que l’on peut appeler « un vrai-faux passeport ». 

Et si, comme je le lis dans l’article paru dans le journal La Croix du 12 juin 2025, « L’immense majorité des adoptants ont agi dans le respect des règles et dans l’intérêt de l’enfant, avec les informations dont ils disposaient à l’époque », cela n’empêche pas aujourd’hui, avec les connaissances que nous avons et à la vue des enquêtes faites par nos voisins européens, de reconnaître que les intermédiaires sur place ont volé des enfants, forcé des mères à abandonner leur enfant dans un but uniquement mercantile. 

Aujourd’hui, je lis qu’il y a des parents qui sont certains que rien n’est illégal, puisqu’ils avaient fait valider leur dossier par le ministère des Affaires étrangères et qu’ils étaient « très pointilleux ». Nous avions tous fait vérifier nos dossiers par un ministère très pointilleux, c’est sur place que c’était bien moins pointilleux et nous savons maintenant que ce ministère « très pointilleux » savait parfaitement comment les adoptions se déroulaient sur place et que ce n’était absolument pas pointilleux, même lorsque les intermédiaires étaient des religieuses. 

Cette reconnaissance du trafic d’enfants, dans le cadre des adoptions internationales, que nous demandons n’a jamais été une démarche à l’encontre des personnes adoptées et, bien au contraire, je suis persuadée que nous poursuivons le même but bien que des parents laissent sous-entendre que, par notre action, nous nous attaquerions à leurs enfants et que ce n’est pas parce « qu’on souffre qu’il faut éclabousser tout le monde. »

Il n’est pas question de souffrance, et surtout pas de la nôtre, il est question de justice, de reconnaissance et de réparation. C’est ce que nous demandons à l’état français et à ses différents gouvernements depuis maintenant plus de six ans. Nous avons rencontré des représentants d’institutions et de ministères, nous avons écrit plus d’un millier de courriers à des politiques, à des élus et nous n’avons reçu pour résultat qu’un silence assourdissant quand cela n’était pas des injonctions de nous taire. Dans ce silence méprisant, la seule personne, qui nous a entendus, écoutés, reçus, accompagnés avec bienveillance et sérieux, c’est Valérie Rabault que nous avions interpelée en tant que Présidente du groupe socialistes et apparentés. Valérie Rabault a travaillé avec nous pour soumettre une proposition de résolution visant à demander une enquête parlementaire et, après des mois de travail, cette discussion avait été mise à l’agenda de l’assemblée pour le 20 juin 2024. La dissolution est arrivée le 9 juin et la proposition de résolution n’a plus jamais été remise à l’agenda depuis. Valérie Rabault n’a pas été réélue députée et, un an plus tard, aucun député n’a encore repris le dossier malgré les centaines de courriers que nous avons faits depuis. Nous ne comprenons pas ce silence que nous interprétons comme du mépris pour ne pas avoir à soupçonner des complicités. 

Nous pouvons paraître des militants courageux pour certains ou de vieux entêtés pour d’autres qui attendent que nous disparaissions pour évacuer le problème et cessions d’éclabousser tout le monde de notre volonté de faire reconnaître la réalité d’un trafic d’enfants dans les adoptions internationales. Mais pour l’instant, nous sommes toujours là et nous demandons que la proposition de résolution soit remise à l’agenda de l’Assemblée nationale. 


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