mercredi 4 juin 2025

 


C’ÉTAIT JUSTE UNE PHOTO !


En 1988, l’Église catholique avait décidé de réactualiser son image en médiatisant leur campagne de don appelée le denier du culte. « C’est une contribution libre et volontaire demandée à tous les catholiques. C’est la seule source de rémunération des prêtres et des laïcs salariés travaillant pour l’Église. » Source Wikipédia.

Cette modernisation reposait sur une vaste campagne nationale dans les lieux de culte sous forme d’affiches et de flyers. 

Jusque-là, je peux affirmer que je n’étais pas concernée, sauf qu’évoluant dans le milieu de la photo, on nous avait demandé à Simon et à moi de poser pour l’affiche qui représentait un jeune couple. Il y avait d’autres affiches, je me souviens de celle avec un étudiant, celle avec des gens âgés, celle avec un curé. Les slogans étaient différents et s’adaptaient à chaque public visé. Pour « notre » affiche, c’était : « Nos parents donnaient déjà… Donnons ! » C’était bien la seule chose qui était véridique, car, pour le reste c’était juste une photo, un peu comme pour des personnages de roman. 

Nous avions accepté ce que nous considérions donc uniquement comme une figuration, parce que c’était bien rémunéré. C’était un job comme un autre. Depuis mes quinze ans, je posais souvent devant les objectifs des photographes, Simon beaucoup moins, mais il avait accepté puisqu’il fallait un couple. 

Je garde un souvenir décontracté de la séance de photos, je me souviens qu’on nous avait demandé de nous habiller « bon chic, bon genre » sans exubérance.

L’histoire aurait pu s’arrêter là et je pense que je l’aurais oubliée, mais c’était sans compter que nous allions nous retrouver exposés à l’incroyable. 

Dès la sortie de l’affiche, le journal télévisé avait fait un sujet sur le lancement de la campagne qu’il qualifiait d’audacieuse. Nous n’avions pas la télé, mais dès le lendemain matin, je ne pouvais plus sortir sans me faire dévisager. Simon, de son côté, se retrouvait en réunion de travail face à des gens qui lui disaient : « On a l’impression de vous avoir vu, mais on ne sait plus où… », il ne répondait rien. 

Ma mère, après avoir découvert qu’en plus d’être des imposteurs, nous étions des escrocs, m’avait dit qu’elle espérait bien que nous avions reversé notre cachet au denier du culte. 

La prof d’histoire du collège de mes enfants m’avait dit qu’elle avait vécu un moment mémorable. Elle avait organisé une sortie avec sa classe de 4e pour visiter une église du 12e siècle et, alors qu’elle leur décrivait l’intérieur de l’église, la nef et ses chapelles, elle s’était retournée pour découvrir qu’elle parlait toute seule, tous ses élèves s’étaient regroupés à l’entrée de l’église et commentaient l’affiche du denier du culte punaisée sur la porte en se marrant : « Venez voir madame ! Ce sont les parents de Gaël et Thomas ! » 

L’histoire avait duré longtemps, leur campagne avait été prévue pour un an, mais des années plus tard, on nous en parlait toujours. 

La plus sidérante des réflexions qui était revenue à mes oreilles, c’était : « Quand même, on pensait qu’ils étaient juifs… »

C’était en 1988, il n’y avait pas de réseaux sociaux. Le bouche-à-oreille était déjà bien destructeur.


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