lundi 8 novembre 2021

Écrire

 

Philippe Besson, De là, on voit la mer, éditions Julliard, p 40

«Elle s’apprête à retourner écrire. À renouer avec la folie d’inventer des mensonges en espérant que les gens y croiront.» 

Ces deux phrases se trouvent à la page 40 du roman «De là, on voit la mer» de Philippe Besson. Et Philippe Besson fait dire à Louise, l’écrivaine de «De là, on voit la mer» qu’écrire c’est inventer des mensonges et surtout avoir la folie d’espérer que des gens y croient. Là, il ne faut pas être dupe, il écrit que c’est Louise qui le dit, mais on a tous compris que c’est Philippe Besson qui s’amuse à raconter cette folie d’inventer des mensonges et de les écrire. 

C’est cette folie que nous aimons et c’est pour vivre cette folie que nous écrivons, c’est pour ressentir ce plaisir d’aller à la frontière du mensonge, les inventer un peu, mais pas trop et se demander ensuite jusqu’où les gens vont nous suivre.
Cette folie qui consiste à mélanger plusieurs personnes dans un seul personnage de fiction pour en faire son personnage idéal, celui qu’on ne croisera jamais, celui qui ne nous a jamais fait l’amour, mais qui nous l’a fait un peu tout de même et sans doute bien mieux que dans le récit d’une vraie vie puisque grâce à l’écriture, nous avons tout maîtrisé de bout en bout, ce qui est – il faut le reconnaître –, totalement impossible dans la vraie vie, celle que nous n’écrivons pas. 

Cette merveilleuse liberté plus enivrante qu’un verre de whisky n’existe que dans l’écriture d’une fiction où tout est vrai puisque tout est faux.
Écrire une fiction, c’est la liberté de pouvoir tuer ceux que nous aimons plus que tout.
Dans un genre qui s’appelle, la science-fiction, nous pouvons même envisager de les ressusciter.
Cette liberté s’appelle la littérature.
La liberté de se réécrire et de se répéter.
La liberté d’emporter le lecteur dans un monde différent, dans des émotions déplaisantes, dans des moments répugnants et effrayants, dans des vies que personne ne voudrait vivre.
La liberté d’embarquer le lecteur ailleurs – que cet ailleurs soit rassurant ou abominable – ne fonctionne que si l’écrivain sait qu’il a le droit d’imaginer sans limites et le droit d’inventer des mensonges en espérant que les gens y croient à la manière de Louise, l’écrivaine de Philippe Besson.  


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