J’aime regarder les étapes du Tour de France, surtout celles qui se déroulent dans les Alpes où je vois défiler sur l’écran des paysages familiers.
Aujourd’hui, c’est l’une de mes étapes préférées, celle qui me met en joie, car les coureurs vont franchir le col du Glandon.
Cette joie prend sa source dans ma toute petite enfance. Avide des mots nouveaux que je lisais ou que j’entendais prononcer par les adultes, je m’empressais de les glisser dans mes conversations de toute petite fille et c’est ainsi que j’avais intégré le verbe « glander » dans mon vocabulaire et m’étais fait réprimander aussi sec par l’un de mes parents, mais sans plus d’explications. Et c’est à partir de la non-explication que le mot nouveau s’entourait d’un mystère que j’associais toujours au sexe. C’était inévitable (je l’ai appris depuis), tout ce qu’on ne m’expliquait pas et qu’on m’interdisait en faisant des silences et des bouches tordues, devenait suspect et donc sexuel. Le verbe glander avait ainsi pris place sur l’étagère des mots interdits et dégoutants. Lorsque j’ai entendu, les Grenoblois dirent qu’« ils avaient les glandes, » et que ça semblait embarrassant de les avoir, j’ai immédiatement eu une vision des glandes en question. Je comprenais enfin la désapprobation qui entourait ce mot jusqu’au jour où mon père nous a emmenés en famille piqueniquer au col du Glandon. Tout semblait normal pour le col… On pouvait dire glandon, et même le placer en toute décontraction, dans les conversations avec les amis de mes parents. Le col du Glandon avait réhabilité les glandes !
J’ai vécu les mêmes interrogations pour d’autres mots, comme mérinos dans l’expression « Laisse pisser le mérinos » que mon père prononçait souvent. Ce mot étrange, associé à une histoire de pisse, m’avait persuadé que mérinos était le mot savant pour parler du sperme. Et je l’ai cru pendant très longtemps… Si longtemps qu’aujourd’hui encore, je ne peux pas lire ou entendre ce mot sans devoir me rappeler qu’il s’agit d’un mouton avec de la laine sur le dos.
Cet après-midi (revenons à nos moutons !), c’est l’étape du col du Glandon, l’étape qui me met en joie pour ne pas pleurer sur mon enfance.
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