dimanche 18 mai 2025

Donner de l'avenir au passé

 



C’est le joli mois de mai. 

Dans ma famille, on dit, le mois de Marie. Le mois où l’on ne se marie pas, je n’ai jamais compris pourquoi, sans doute une histoire de virginité. Une fois de plus. 

Je n’avais aucun projet pour ce mois de mai, je ne veux plus de projets, uniquement des rendez-vous notés sur le planning pour ne pas les oublier, surtout les rendez-vous médicaux parce que du fait de leur rareté, ils sont devenus précieux. Je note aussi les rendez-vous avec ma psy, même s’ils sont d’une régularité métronomique, parce qu’ils sont précieux eux aussi, ils me tiennent en vie, je saute d’une séance à l’autre, je regarde le planning et décompte les jours qui me séparent du moment où je vais pouvoir me jeter sur le fauteuil et dire absolument tout ce que je veux, pleurer autant que je le désire, malaxer les kleenex entre mes doigts pour en faire une boule que je balance dans la grande corbeille blanche dont le fond est tapissé des boules de chagrin des précédents patients. J’aimerais demander à ma psy à quel rythme elle vide la corbeille pour évaluer le nombre de patients qui pleurent, mais j’ai peur de sa réponse. Elle me répondrait qu’elle la vide quotidiennement. Et, dans un deuxième temps de réflexion, je pense que de voir d’autres kleenex dans la corbeille me rassure, je suis un cas normal, les autres pleurent aussi. 

Dans l’absence de projets planifiés, il me suffit d’attendre que les projets arrivent et c’est le téléphone qui s’en charge en m’envoyant une notification de message ou en sonnant. Un message qui me dit qu’on a besoin de moi, un appel au secours, un chagrin, un drame. Et parfois le téléphone sonne pour me dire en direct ce besoin, puisque je sais depuis peu qu’il suffit de taper dans Google : Véronique Moyen téléphone ou Véronique Piaser téléphone (ça marche pareil pour chaque nom) pour obtenir en un seul clic mon numéro de portable. Un journaliste l’a un jour indiqué au bas de son article… Et c’est ainsi que le mois se remplit, que les projets inattendus se programment sur mon planning. 

Cette semaine, quand j’ai dit que j’allais à Paris, on m’a dit de bien profiter de cette escapade, quand j’ai dit que j’y allais avec Simon, j’ai senti que c’était limite de me faire souhaiter que l’escapade soit amoureuse. Sans doute, notre âge met un frein pudique à cette notion du plaisir souhaité. Dommage que les gens se mettent ainsi des restrictions. Là aussi, dans un deuxième temps de réflexion, je me suis dit que c’était mieux, cela m’évitait de répondre que l’escapade n’était pas amoureuse, mais militante. Et comme une escapade militante, ça n’existe pas, c’est mieux de ne pas avoir à expliquer. 

Entre tous ces projets imprévus, ces drames, ces chagrins inconsolables, ce mois de mai est un mois de couture, un peu de peinture et beaucoup d’écriture et de relecture. Deux manuscrits qui font des aller-retour, l’inédit qui sera publié en fin d’année et « Sa vie comme un orage » qui renaîtra au printemps 2026 grâce à une maison d’édition impliquée et motivée. Et un autre manuscrit en chantier, puisque, quand un livre est publié, l’auteur a déjà écrit le suivant et a déjà en tête celui qui suivra le suivant. 

« Écrire, c’est donner de l’avenir au passé », c’est Annie Ernaux qui est venue me l’écrire pour me dire de toujours espérer.

J’espère parvenir un jour à donner de l’avenir au passé. 



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