mercredi 27 novembre 2024

Faut éplucher l'oignon

 


Comme je ne vais toujours pas mieux ; la gorge enflammée et serrée comme les personnages des romans du 19° qui meurent de la fièvre typhoïde, le souffle court et les jambes coupées au bout de cinq minutes de marche, je suis retournée voir un médecin. C’est un médecin qui ne me connait pas, mais, dans le désert médical de Montauban, je ne peux pas faire la difficile et je n’ai pas le courage de faire une heure de route aller, puis sans doute plus d’une heure d’attente, et encore une heure de route retour pour aller reconsulter mon médecin, le gentil, celui qui me connait depuis quinze ans. 

Me voilà donc face à un médecin qui me découvre pour la deuxième fois seulement. Il est gentil aussi. 

Ma gorge, il voit. Ma toux et mes poumons, il entend. Ça va. il me croit. 
Puis il me demande comment je dors je lui réponds que je dors mal, mais je commets l’erreur de préciser que c’est habituel. 
Il bondit sur ma précision pour me dire qu’il va m’expliquer en trois points comment bien dormir. C’est, et, il commence par-là, une étude documentée des Laboratoires Fabre pour le Vendée Globe. Ça ne me prédispose pas à la confiance plutôt à l’éclat de rire, il ne peut pas le savoir, il ne me connaît pas.

Je décide de l’écouter droit dans les yeux. 

1e point : Je dois faire des siestes de vingt minutes, pas plus. Une histoire de mélatonine. Et là, timidement, il se tourne vers Jean-Noël qui, à ma demande, m’avait accompagné, et dit en le pointant du menton : « Vous demandez à quelqu’un de venir vous réveiller. » J’ai envie de rire, car je pense que pour vingt minutes, il sera inutile de venir me réveiller, je ne me serai pas endormie ! Il précise l’horaire de la sieste, l’idéal est de la faire juste avant le repas de midi. J’ai encore envie de rire en imaginant le repas de midi et ce que nous mangerions si je partais faire la sieste à 11 h 30. Je me souviens que je suis féministe, alors je me retiens de lui expliquer qu’il n’y a que moi qui cuisine et qu’à 11 h 30, je suis aux fourneaux. Il me dit que je peux aussi faire cette sieste avant le repas du soir. Là aussi, je me retiens de lui dire que c’est le moment où je me tape mon quart de verre de vin rouge avec mon homme, que c’est le moment de la journée où on arrête de bosser pour se retrouver et que j’envisage difficilement de filer à la sieste dans ce créneau privilégié. J’ai compris qu’il ne peut pas imaginer que nous travaillons, tout simplement parce qu’il ne m’a jamais demandé ce que je faisais dans la vie et qu’il me voit vieille. 

2e point : Je dois me coucher à 22 h 30. La raison du coucher avec les poules (pour moi), c’est qu’il est scientifiquement prouvé que le sommeil récupérateur se situe entre 22 h 30 et minuit. Je n’ose lui demander s’il fonctionne à l’heure d’hiver, à l’heure d’été ou à l’heure solaire. Entre ces trois horaires, on a tout de même deux heures d’écart qui, si on raisonne à l’heure solaire, ramènerait mon coucher en été à 20 h 30. Et surtout, ce que je me garde bien de lui dire, c’est que je ne me couche jamais avant minuit. De toute manière, j’écoute sans rien objecter. 

3e point : Mes activités avant de dormir. Ne pas regarder d’écran et lire. Il précise, des livres papier. Je ne dis toujours rien, je pense à mes piles de livres, à tout ce que je lis. Heureusement, il ne me conseille pas d’auteur en particulier, mais à un moment, j’ai cru qu’il allait le faire. Peut-être le roman d’aventures d’un navigateur du Vendée Globe ou l’histoire des labos Fabre ? 

Après ce 3e point, il me dit qu’il ne faut pas négliger l’apport du magnésium dans la qualité du sommeil. 
Et là, ç’a été une détonation dans mon cerveau. Ce que ma psy appelle le stress post-traumatique et qui revient me frapper à l’énoncé de certains mots, à la vision de certaines images, au toucher aussi de certains textiles. 
Il a suffi de « magnésium » pour me ramener à ce jour où, il y a plus de vingt ans, j’avais compris que j’allais basculer du mauvais côté, ce jour où j’avais rassemblé mon courage pour aller voir mon médecin. C’était une époque où on pouvait consulter son médecin dans l’heure. J’étais allée la voir pour lui dire que j’allais mal et décidée à lui dire pourquoi. J’étais partie déterminée à lui raconter ce qu’il m’était arrivé. Le viol. 

Je m’étais assise en face d’elle en lui disant que j’allais très mal et qu’il fallait m’aider. Elle m’avait répondu que je devais manquer de magnésium et j’étais ressortie de son cabinet sans avoir rien pu lui raconter, mais avec une prescription de magnésium. 

Une semaine plus tard, j’étais admise en psychiatrie.  

Des décennies plus tard, le mot « magnésium » vient toujours réveiller la honte de la violence que j’ai subie et l’incompétence d’un médecin. Celui d’hier est venu renfoncer le clou et c’est moi qui m’enfonce dans le fauteuil, je vais peut-être pleurer. Je me cramponne, lui sors que je ne supporte pas le magnésium, que ça me colle des diarrhées. Il dit : « Alors, il ne faut pas en prendre. » Ouf ! Exit le magnésium.
J’arrive à me reprendre et lui rappelle que je suis venue le consulter, car j’ai mal à la tête, mal à la gorge, que j’ai de l’asthme et que je suis hyper fatiguée dès que je me lève. J’en ai encore trop dit, il réplique : « La fatigue le matin, c’est psy ! », et c’est là que j’ai décidé qu’il fallait que je cesse de me taire et de m’enfoncer dans mon fauteuil en me retenant de pleurer. Je lui ai dit que je savais gérer mes problèmes de sommeil depuis des décennies, que je m’en arrangeais, que ce n’était pas si grave que ça et je lui répète que ce qui me fatigue, c’est ce virus dont je ne me remets pas. Que pour le reste, j’ai une psy et que je m’en occupe. Il a eu l’air surpris et m’a sorti un truc auquel je n’ai rien compris : « Faut éplucher l’oignon », en même temps qu’avec ses deux mains il mimait un épluchage, l’oignon dans une main et le couteau dans l’autre. Je me suis dit que, quand j’allais raconter ça à ma psy, lors de la prochaine séance, elle risquait de rire. Elle, le couteau et moi, l’oignon ?

Le médecin du Vendée Globe et de Pierrre Fabre a fini par laisser tomber sa théorie sur le sommeil et mes fatigues matinales. Il m’a tendu ma prescription. Un traitement de choc m’a dit la pharmacienne ce matin. 

Ça devrait aller mieux rapidement. 


lundi 4 novembre 2024

Orange


 


Internet en panne une fois de plus.
Cela fait partie de notre vie à Montauban et il faut s’en accommoder. 

Depuis l’année dernière, nous possédons une airbox (de secours) dont nous avons exigé d’Orange d’en être les propriétaires pour nous dépanner chaque fois qu’on est en rade. Soit parce qu’un petit malin a débranché, soit parce qu’ils réparent sans nous en avertir, ce qui était le cas jeudi dernier. Le technicien nous avait promis que le tableau serait remis en place en fin d’après-midi, mais à 17h il est reparti et nous a laissé en panne pour ce long week-end. 

Mise en route de la procédure habituelle au 3900 qui en toute décontraction nous confirme qu’on est en zone de perturbation jusqu’au 6 novembre. 

Je rebranche l’airbox pour tenter d’attraper le filet de 4G auquel nous avons accès dans le centre de Montauban, (il faut s’en accommoder aussi …) mais Orange a désactivé la carte SIM. On ne sait jamais, des fois qu’on en abuse… 

La technicienne très zen (on doit les obliger à faire du yoga) nous dit d’aller rechercher une carte en boutique, qu’ils nous remettront des datas dessus à volonté, ainsi que sur nos téléphones. Elle demande d’une voix douce si la boutique n’est pas trop loin. 

Jno file chez Orange avant qu’ils ferment. C’est pas trop loin, mais quand même. 

Le temps que les batteries de l’airbox se rechargent, que je me souvienne de toutes les manips à faire et que je découvre celles pour la nouvelle télé qui par chance est une télé connectée, nous voilà de nouveau opérationnels pour travailler. 
Parce qu’en fait, c’est ça le plus difficile : expliquer à Orange qu’on travaille ! 
Et qu’on paye un abonnement pour regarder la télé quand on a fini de travailler.

Nous avons donc passé notre long week-end avec l’équipement de secours Orange. Un équipement sur lequel ils ne tarissent pas d’éloges, à les entendre, c’est bien mieux que la box et le décodeur. 

Depuis jeudi soir, je rêve d’inviter un cadre d’Orange à venir tester chez nous la merveilleuse et bien nommée airbox. Dans notre quartier, il y a surtout de l’air et pas beaucoup de 4G. Pour que ça marche, il faut coller le boitier à une fenêtre et ne pas être exigeant sur le débit internet. Pour la télé, ça marche uniquement si vous avez une télé connectée, vous pouvez regarder les chaines sur leurs plateformes. Mais, un conseil, ne vous lancez pas dans un film et surtout pas un polar, car l’image se fige au rythme d’environ chaque dix minutes. 

Pour la Star Académy, ça passe. 
Et pour le reste, on a supporté. 
Et quand on en a eu trop marre, on est allé au cinéma. 

Ce matin, c’était enfin lundi. On se disait que le technicien allait revenir terminer le travail qu’il avait laissé en plan. Jean-Noël proposait de rallumer la box et on verrait bien quand elle afficherait ses diodes fixes. Moi, je n’étais pas chaude pour attendre, je pensais qu’il fallait aller à l’armoire pour parler au technicien. J’ai insisté et Jean-Noël y est allé. Ce n’est pas loin.

La surprise ou mon intuition, c’est qu’il y a trouvé le technicien (toujours le même, à force on les connait tous et ils nous connaissent bien) qui était totalement abasourdi qu’on n’ait pas retrouvé la connexion. Pour lui, tout fonctionnait jeudi soir quand il est reparti, il avait tenu la promesse qu’il m’avait faite. Et si, ce matin, il était repassé à notre armoire (oui, c’est notre armoire maintenant, on se sent en droit de la privatiser, vu comme on s’en occupe), c’était uniquement pour prendre des mesures. Il dit à Jean-Noël : « Vous avez eu une chance incroyable que je sois là, car je ne suis repassé que pour cinq minutes ! », ce que Jean-Noël me répète immédiatement au téléphone : « On a de la chance, il était à l’armoire et il va venir chez nous ! », alors qu’il n’a pas à le faire, mais à force, nous sommes devenus amis et il est réellement embarrassé par la situation, surtout quand Jean-Noël lui a expliqué l’airbox qui brasse de l’air. 

Il est donc venu et a compris qu’une fois de plus, nous avions été changés de tiroir dans l’armoire et qu’on ne lui avait pas donné les bons schémas. 

Il nous a redit que « notre » armoire était un bazar sans nom et qu’en plus elle puait la pisse. Ça, on le sait, on le constate chaque fois qu’on passe devant et qu’on la referme. 

Notre armoire sert aussi de pissotière.