Aurélien est venu nous voir.
Il m’avait annoncé son intention de venir nous voir l’année dernière et puis je n’avais plus eu de nouvelles. Je ne lui avais rien demandé, j’avais attendu qu’il revienne vers moi.
Aurélien, c’est une histoire de petits bracelets –, ceux qui ont lu Titania, le reconnaîtront –, mais c’est bien plus qu’une histoire de petits bracelets, c’est l’histoire d’un frère et d’une sœur volés à leurs parents dans la campagne sri lankaise, c’est l’histoire d’un trafic immonde qui nourrissait l’adoption internationale sous couvert de bonnes intentions et sous couvert d’autres intentions bien moins louables et bien plus criminelles.
Aurélien ne s’appelle pas Aurélien.
Il ne s’appelle Aurélien que dans Titania puisque j’ai choisi de rebaptiser tous les personnages qui se situent en France, mais de laisser leurs noms véritables aux crapules et aux criminels sri lankais qui ne méritent pas d’être protégés même morts et surtout encore vivants pour les rares qui le sont encore.
Au moment où j’ai écrit le passage sur Aurélien et les petits bracelets, je lui avais mis un message pour lui demander quel nom il aimerait porter dans mon livre – je réalise que c’est le seul auquel j’ai demandé de choisir son pseudonyme –, il m’avait dit qu’il allait réfléchir puis là encore, n’avait pas donné suite. J’avais alors pris seule la décision de le baptiser Aurélien, ce prénom à l’allure impériale et romaine lui allait bien. Aragon n’était pas loin non plus. C’est ce que j’avais décidé sans jamais avoir rencontré Aurélien, mais il y avait dans ce choix des concordances qui me convenaient.
Il y a quelques mois, Aurélien est revenu me mettre des messages. Lors de ces échanges, je lui ai appris qu’il s’appelait Aurélien dans «Titania» et cela a semblé lui convenir. J’étais tout de même inquiète à l’idée qu’il déteste ce prénom, mais il n’a rien objecté. Je me suis sentie rassurée tout en repoussant l’idée qu’il était peut-être extrêmement poli en ne commentant pas mon choix.
Et puis, il m’a dit qu’il allait venir nous voir, que cette fois-ci, il était décidé.
C’était au début de ce mois.
Aurélien était devant notre porte, souriant. Un beau garçon.
Nous avons passé la journée ensemble à l’écouter se raconter, nous raconter tout ce qu’il analysait sans cesse avec justesse et délicatesse. Il parlait sans freins et sans filtres comme si nous nous connaissions et que des années de confiance nous assuraient de nous comprendre. Ce n’était pourtant que quelques heures et cela a fonctionné en années.
Et puis il a regardé l’heure et nous a dit, il faut que j’y aille.
Il s’est levé pour aller reprendre son manteau et c’est à ce moment-là que les consignes sanitaires m’ont sauvée d’un moment que je n’aurais pas su contrôler si je ne m’étais pas souvenu qu’il ne faut surtout pas s’embrasser ni se prendre et se serrer dans les bras.
Les gestes barrières m’ont permis de rester à distance de mon émotion et de lui envoyer ma tendresse du bout des doigts.
Salut, Aurélien.
À très vite.
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