mercredi 15 décembre 2021

Aurélien




  

  Aurélien est venu nous voir. 

  Il m’avait annoncé son intention de venir nous voir l’année dernière et puis je n’avais plus eu de nouvelles. Je ne lui avais rien demandé, j’avais attendu qu’il revienne vers moi.   

  Aurélien, c’est une histoire de petits bracelets que j’ai écrite dans un livre et que j’ai reprise dans un roman, mais c’est bien plus qu’une histoire de petits bracelets, c’est l’histoire d’un frère et d’une sœur volés à leurs parents dans la campagne sri lankaise, c’est l’histoire d’un trafic immonde qui nourrissait l’adoption internationale sous couvert de bonnes intentions et sous couvert d’autres intentions bien moins louables et bien plus criminelles. 

  Aurélien ne s’appelle pas Aurélien. 

  Il ne s’appelle Aurélien que dans mon livre puisque j’ai anonymisé tous les personnages qui vivent en France, mais que j’ai nommé les crapules et les criminels sri lankais qui ne méritent pas d’être protégés, même morts et surtout s’ils sont encore vivants pour les rares qui le sont encore. 

  Au moment où j’écrivais le passage sur Aurélien et les petits bracelets, je lui avais mis un message pour lui demander quel nom il aimerait porter dans mon livre — je réalise que c’est le seul auquel j’ai demandé de choisir son pseudonyme —, il m’avait dit qu’il allait réfléchir. 

  Là encore, il n’avait pas donné suite. 

  J’avais alors pris la décision de le baptiser Aurélien, ce prénom à l’allure impériale et romaine lui allait bien. Louis Aragon n’était pas loin non plus. C’est ce que j’avais décidé sans jamais avoir rencontré Aurélien, mais il y avait dans ce choix des concordances qui me convenaient. 

  Il y a quelques mois, Aurélien est revenu m’envoyer des messages. Lors de ces échanges, je lui ai appris que, dans mon livre, il s’appelait Aurélien et cela a semblé lui convenir. J’étais tout de même inquiète à l’idée qu’il déteste ce prénom, mais il n’a rien objecté. Je me suis sentie rassurée tout en repoussant l’idée qu’il était peut-être extrêmement poli en ne commentant pas mon choix. 

  Et puis, il m’a dit qu’il allait venir nous voir, cette fois-ci, il était décidé. 

  C’était au début de ce mois. 

  Aurélien était devant notre porte, souriant. Un beau garçon.

  Nous avons passé la journée ensemble à l’écouter se raconter, nous raconter tout ce qu’il analysait sans cesse avec justesse et délicatesse. Il parlait sans frein, librement comme si nous étions amis et que des années de confiance nous assuraient de nous comprendre. Ce n’était pourtant que quelques heures qui ont fonctionné en années. 

  Il a regardé l’heure et nous a dit qu’il devait partir. 

  Il s’est levé pour aller reprendre son manteau et c’est à ce moment-là que les consignes sanitaires en vigueur m’ont sauvée d’un moment que je n’aurais pas su contrôler si je ne m’étais pas rappelé qu’il ne fallait surtout pas s’embrasser ni se prendre et se serrer dans les bras. 

  Les gestes barrières m’ont permis de rester à distance de mon émotion et de lui envoyer ma tendresse du bout des doigts. 

 

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