Ce jeudi 16 décembre en fin de matinée, nous avons appris par un tweet de la MAI (Mission de l’Adoption Internationale) qu’une mission de travail allait être mise en place au premier trimestre 2022 sur les adoptions illicites à l’étranger.
Un tweet de quelques mots et un enregistrement de 45 secondes.
Il est nécessaire de remettre dans le contexte cet enregistrement issu du débat public au sénat de la loi sur la protection de l’enfance. (Protection des enfants, procédure accélérée).
Madame Michèle Meunier demande un rapport sur la pénurie des familles d’accueil et désire alerter sur le déficit d’attractivité du métier d’assistant familial, Adrien Taquet lui répond par un avis défavorable en lui disant que la DRESS mène une grande enquête et que les résultats seront publiés fin 2021, début 2022. Madame Michèle Meunier lui répond :
— Très bien.
Et c’est là que tout devient incroyable, Adrien Taquet reprend la parole et dit :
— Je pensais que vous alliez défendre un amendement sur l’accès
aux origines…….
Madame Michèle Meunier répond :
— Article 45 !
Adrien Taquet continue comme suit :
— Sachez que sur les adoptions illicites à l’étranger, nous mettrons en place, avec les ministères de la Justice et des Affaires étrangères, une mission de travail au premier trimestre 2022, sur le modèle de ce qui avait été fait pour les enfants de la Creuse, afin d’apporter des réponses à ces enfants devenus grands désormais »
C’est par l’enregistrement de cet échange ubuesque que nous avons appris la mise en place d’une enquête sous la forme d’une mission ministérielle sur les adoptions illicites.
Que s’est-il passé pour qu’Adrien Taquet aborde soudain le problème des adoptions illicites qu’il avait soigneusement contourné lors des débats sur le projet de loi sur l’adoption les 20 et 21 octobre dernier au sénat?
C’était comme s’il se tapait le front de la main en disant : «Mince ! J’oublie toujours de vous en parler, mais là, pendant que j’y pense, il faut que je vous dise, au fait, pour les adoptions illicites, on va faire quelque chose ! »
Plus je me le répète, et plus je me dis qu’on a de la chance qu’il y ait soudain repensé.
Vous imaginez qu’il soit ressorti de la séance et qu’en arrivant chez lui, soudain en se brossant les dents avant de se mettre en pyjama, il se doit dit : "Et merdouille de merdouille, ça m’est encore sorti de la tête pour l’enquête sur les adoptions illégales !!! “
Plus je regarde le tweet et plus je me dis qu’on l’a échappé belle. On a vraiment eu du bol que ça lui soit subitement revenu hier soir .
Je me demande vraiment ce qui a pu se passer pour que ça lui revienne à ce moment-là, le moment où tout le monde dort et où même en imaginant qu’on ne dorme pas, on est plutôt devant une série Netflix que devant la retransmission d’un débat public au sénat.
J’ai regardé le tweet plusieurs fois pour être certaine, pour me persuader que malgré une réponse qui ne répondait pas à la question et qui arrivait hors contexte, c’était bien la réponse que nous attendions depuis trois ans, mais qu’elle arrivait très discrètement sans se faire remarquer, juste un petit tweet, un cui-cui.
Et après, j’ai pleuré.
Je n’ai fait que sangloter durant toute la journée et une partie de la nuit.
J’ai immédiatement compris que cette première victoire avait un goût amer.
Je n’avais jamais envisagé quelle serait ma réaction le jour où j’apprendrais qu’enfin ‘ils’ ouvraient une enquête, mais je crois que dans le fond j’étais certaine que je serais heureuse alors que jeudi, c’était exactement le contraire, tout le malheur du monde m’est tombé sur les épaules.
La nausée de ces vies foutues que jamais rien ne pourra réparer.
L’image d’un fléau.
Nos vies sacrifiées.
Il n’y avait rien à fêter, car il n’y aura plus jamais de fêtes.
J’ai tellement pleuré que Jno est venu me dire :
— Ne me laisse pas tomber maintenant.
Je lui ai dit qu’il n’y aurait jamais de victoire, seulement un espoir de reconnaissance.
Je lui ai dit :
— Crois-tu que les Arméniens ont fait la fête et lancé des cotillons le jour où la France a reconnu le génocide de leur peuple ? ‘
Après, je me suis souvenue avec horreur qu’entre le jour où l’ONU avait reconnu le génocide arménien ça avait encore pris seize ans pour que la France vote la loi et ça ne m’a pas calmée.
Combien de temps encore pour pouvoir enfin entendre des excuses ?
Combien de réponses hors contexte ?
Combien de ‘Bon sang, j’allais oublier de vous dire!’ ?
Combien de sacrifices encore dans nos vies bousillées ?
Combien de tweets ?