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Crédits Photo : Image credit: lightwise / 123RF Banque d'images |
Pourquoi oublie-t-on ?
Pourquoi se souvient-on ?
Est-ce que l’on n’a rien oublié d’autre ?
Je m’obstine à me poser ces questions obsédantes.
Quand j’ai écrit mon billet « C’est indicible en général », Simon l’avait lu et m’avait demandé pourquoi je ne lui avais jamais rien dit. Je n’avais pas su quoi répondre, c’était un blanc, un no man’s land dans mes souvenirs. Il m’avait questionnée et m’avait dit :
« Mais elle te disait quoi ta psy ? »
Je lui avais répondu :
« Je ne lui en ai jamais parlé… »
C’est là que j’ai réalisé que j’avais suivi sept années d’analyse sans jamais sortir une seule allusion à ce souvenir. Rien. Absolument rien. Cela n’existait plus.
Et quarante ans plus tard, j’écris mon billet, froidement.
Je suis toujours hantée par ce souvenir qui ne comporte aucun son, ce sont simplement des images fixes qui défilent, mes mains sur les vêtements que j’enlève, mes gestes lents que je veux faire durer et, après un temps qui semble s’étirer à l’infini dans un silence épouvantable, il se retourne et il s’éloigne.
N’est-il pas salutaire de pouvoir occulter tant que l’on n’est pas assez fort pour se souvenir et formuler son souvenir ? L’enfant que j’étais n’aurait rien su raconter et n’aurait pas pu dire son trouble et son dégout d’une chose qu’elle ne connaissait pas.
Personne ne m’aurait crue.
Lorsque le souvenir revient, on le prend comme une claque et comme un soulagement.
Le souvenir était là, mais il tournait, il venait à moi sans se nommer, il me squattait et me grignotait.
Il faut déjà avoir beaucoup grandi pour accepter de se souvenir et de ne plus se dégouter de n’avoir pas pu dire à l’homme vicieux qu’il devait s’en aller.
Il faut avoir grandi pour comprendre que l’on n’est pas coupable, que l’on ne sera jamais coupable de rien.
La petite fille de douze ans a mis du temps à savoir qu’elle avait été une victime.
Il faut prendre le temps de vivre pour se souvenir.
Il faut encore du temps pour ne plus avoir peur du souvenir.
« On n’oublie rien du tout
On n’oublie rien de rien
On s’habitue, c’est tout. »
Brel
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