mardi 10 mai 2016

Aux innocents les mains sales


Denis Baupin est innocent.
Il est innocent puisqu’il n’a pas été inculpé et puisqu’aucune plainte n’a été déposée contre lui.
C’est comme ça, c’est la démocratie et je me félicite de vivre dans une démocratie, j’en suis même heureuse. J’ai entrevue la vie dans un pays sans démocratie et j’ai pris la mesure de son absence.
Alors Denis Baupin est innocent pour l’instant et on ne lapide pas un innocent.
Je suis aussi de celles qui pensent qu’il ne doit pas être totalement innocent car j’ai connu le harcèlement sexuel et je sais qu’on le subit sans rien dire, sans rien dénoncer.
Je me souviens du grand studio Givet à Grenoble où je travaillais derrière le comptoir de vente. Le chef vendeur qui s’appelait Suarez (c’est son vrai nom) et qui me poursuivait dans l’arrière magasin pour me parler de ma bouche sensuelle. Un matin, alors que j’étais encore en manteau et que je passais devant lui pour aller au vestiaire, il m’appelle et me dit : - Venez Véronique, j’ai quelque chose à vous montrer. Je m’approche de son bureau, il ouvre un tiroir et en sort un tube de rouge à lèvres et me dit : -C’est pour vous si vous acceptez d’en mettre sur vos lèvres.
Et il y a eu le jour où je servais un client, debout derrière le haut comptoir et je sens des mains qui me caressent les jambes et remontent très haut sur mes cuisses. Je me retourne et me baisse pour découvrir l’immonde Suarez accroupi à mes pieds et qui murmure : -Comme j’aime le printemps quand les femmes enlèvent leurs bas.
Je l’ai attrapé par son pull et l’ai fait se relever pour prendre le client à témoin de ce qu’il me faisait. Je crois que le client n’a rien compris et que le salopard de Suarez n’a même pas eu honte.
J’avais 25 ans et je n’ai évidemment rien dit à personne. Je suis certaine que mes collègues présents ce jour là, ont vu la scène mais n’en ont rien dit.
Je me souviens aussi de mon passage en intérim dans l’entreprise de nettoyage Onet, les négriers modernes, le jour où le directeur adjoint m’a proposé de me sauter sur son bureau. Ce sont ses termes exacts.
Je me souviens de ma visite à mon mari dans son bureau et dans son dos, le directeur de la caisse maladie qui me faisait par gestes des allusions sexuelles sans équivoque. Je n’en ai rien dit à mon mari. Comment lui raconter que le mec dont il était l’adjoint avait des problèmes avec sa bite ? Je le ressentais comme ça crûment avec toute la vulgarité qu’il avait exprimée.
Je me souviens du député maire et sénateur de ma commune que je côtoyais pour avoir fait sa campagne photo et qui m’a proposé quand il a été élu sénateur d’être son attachée parlementaire.  Cette proposition n’a duré que le temps de la proposition qui lui a succédé dans les semaines suivantes : - Nous irons souvent à Paris ensemble et nous dormirons à l’hôtel.
Après lui avoir fait préciser que nous dormirions dans la même chambre, je lui ai dit que je n’étais pas d’accord. Il n’a plus été question de rien et je n’ai jamais été attachée parlementaire.
Tous ces harceleurs sont innocents puisque  je ne me suis jamais plainte et que je me suis tu.

Mais moi, je sais que ce sont des salopards et qu’ils sont coupables.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire