Vertemnus-Giuseppe Arcimboldo |
Je croise des gens, je les rencontre, je leur parle, je les regarde et souvent nous partageons même un moment de vie ensemble et puis je les oublie. Ils quittent ma vie sans bruit et sans histoire. C’est la vie et ses rencontres éphémères, la vie et ses moments qui filent sans histoire.
Et il y a les rencontres qui vous
clouent, qui vous laissent silencieux à écouter, à regarder.
Et c’est cette rencontre rare que j’ai vécue cette semaine.
Et c’est cette rencontre rare que j’ai vécue cette semaine.
Un déplacement professionnel pour
un stage durant lequel je partage et enseigne l’aquarelle et ma passion pour l’art,
pour la photo, pour la littérature.
Les organisateurs avaient proposé de me loger chez une personne de l’association en me disant : - Vous serez bien soignée chez lui, c’est un ancien restaurateur.
Les organisateurs avaient proposé de me loger chez une personne de l’association en me disant : - Vous serez bien soignée chez lui, c’est un ancien restaurateur.
C’est tout ce que je savais et
cela me suffisait. Je sais que je peux facilement m’adapter, ma vie est devenue
nomade, tout y est surprise et aussi parfois déception.
Je l’accepte car c’est une vie
amusante et sans routine que je sois en France
ou en Inde.
Me voici donc arrivée chez mon
hôte, le restaurateur à la retraite, il s’appelle Jean-Marc.
Tout chez lui est d’une banalité effrayante dès l’entrée, on peut dire qu’on est chez tous mes voisins de palier réunis. Il n’y a rien à dire car il y aurait trop à décrire d’une vingtaine d’aquarelles accrochées à la queuleuleu sur la rampe d’escalier qui monte à la mezzanine, trop d’aquarelles dans des cadres posées sur le bahut, trop d’aquarelles sur les murs de la chambre … Je ne sais plus où regarder, je ne sais pas si il faut dire que je les ai vues, si il faut dire que je les aime. Je suis totalement dépassée et je passe en mode adaptation rapide, en mode indien, ce qui signifie que j’intime à mon cerveau de ne plus penser, de ne pas juger, de ne pas jauger, de ne pas se rebeller. C’est un mode de repli qui est proche de la méditation, les images arrivent devant mes yeux mais ne doivent pas atteindre l’endroit de mon cerveau où se situe le jugement.
Quand cet état est atteint et je me dois d’ouvrir une parenthèse pour vous dire qu’avec l’expérience indienne j’y parviens avec une facilité de plus en plus déconcertante et que mes ennemis soient prévenus, il est de plus en plus difficile de me déstabiliser maintenant que je fonctionne « à l’indienne », donc parenthèse refermée et fonctionnement indien mis en route, je laisse la soirée se dérouler attendant amusée que mon hôte restaurateur me montre ses capacités culinaires car je suis gourmande.
Tout chez lui est d’une banalité effrayante dès l’entrée, on peut dire qu’on est chez tous mes voisins de palier réunis. Il n’y a rien à dire car il y aurait trop à décrire d’une vingtaine d’aquarelles accrochées à la queuleuleu sur la rampe d’escalier qui monte à la mezzanine, trop d’aquarelles dans des cadres posées sur le bahut, trop d’aquarelles sur les murs de la chambre … Je ne sais plus où regarder, je ne sais pas si il faut dire que je les ai vues, si il faut dire que je les aime. Je suis totalement dépassée et je passe en mode adaptation rapide, en mode indien, ce qui signifie que j’intime à mon cerveau de ne plus penser, de ne pas juger, de ne pas jauger, de ne pas se rebeller. C’est un mode de repli qui est proche de la méditation, les images arrivent devant mes yeux mais ne doivent pas atteindre l’endroit de mon cerveau où se situe le jugement.
Quand cet état est atteint et je me dois d’ouvrir une parenthèse pour vous dire qu’avec l’expérience indienne j’y parviens avec une facilité de plus en plus déconcertante et que mes ennemis soient prévenus, il est de plus en plus difficile de me déstabiliser maintenant que je fonctionne « à l’indienne », donc parenthèse refermée et fonctionnement indien mis en route, je laisse la soirée se dérouler attendant amusée que mon hôte restaurateur me montre ses capacités culinaires car je suis gourmande.
Et mon cerveau soudain me dit :
- Débranche « le mode indien » et passe en mode « moment
exceptionnel ».
Le moment exceptionnel va durer 2
jours.
Il s’appelle Jean-Marc et a passé
sa vie derrière les fourneaux de son restaurant gastronomique, fils de
restaurateur, il a pris la suite de son père. Et il me dit : -Mon père
adoptif, je suis un enfant adopté.
Je ne dis plus rien, à partir de
ce moment là, je l’écoute et je le regarde.
C’est un monsieur dont on peut
dire qu’il est un jeune vieux monsieur. Il est petit et bedonnant, gouailleur et drôle
et me déroule sa vie avec la pudeur des gens qui ont vu la vie.
Sa femme qui l’a accompagné derrière
les fourneaux et dans l’aventure de leur vie possède cette même gouaille et ce
franc parler généreux.
Jno et moi nous retrouvons autour
de leur table de salle à manger devant une table dressée au cordeau, chaque
couvert est à sa place, les verres alignés, les serviettes pliées repassées, et
les plats se succèdent comme dans un pas de deux exécuté par Jean-Marc et sa
femme, en parfaite harmonie et dans une totale aisance dont ils ne laissent
échapper que quelques sourires qui laissent soupçonner un bonheur total.
C’est réellement hallucinant.
C’est réellement hallucinant.
Nous nous retrouvons soudain dans
une situation que nous n’avions pas pu anticiper : nous sommes en toute
simplicité les hôtes invités d’un grand chef !
Les plats nous sont servis et
annoncés depuis les amuse bouches jusqu’au dessert.
Les vins déclinés.
Les vins déclinés.
Nous ne savons plus quoi dire.
Jean-Marc et sa femme se partagent le service, se croisent entre cuisine et
séjour, puis viennent s’asseoir nous faisant oublier dans l’instant que deux
minutes auparavant ils nous présentaient les plats et garnissaient nos
assiettes chaudes.
Et puis Jean-Marc nous raconte sa
vie de chef gastronomique, sa vie derrière les fourneaux mais aussi ses
rencontres avec le monde du showbiz, celui de la politique. Ces personnalités
qui faisaient le détour pour s’arrêter manger dans son établissement étoilé. Il
y avait Jean Carmet qui buvait plus qu’il ne mangeait, Bigard qui a passé une
soirée à faire le service et à inventer au menu des plats qui n’existaient pas.
Jean-Marc me dit que ce soir là, il a eu du mal à faire la fermeture, les
clients ne partaient plus. Des politiques qu’il a côtoyés de très près, dont il
taira le nom, et qui lui ont laissé des souvenirs plus amers.
Il parle et raconte avec
générosité.
Je comprends combien il aime les
gens et que c’est cet amour qui a été son moteur dans sa vie professionnelle. Il me dit :
-Passer quatre heures à disposer et organiser la présentation d’un plat et les
voir le manger en dix minutes, c’est tout simplement dingue !
Je comprends que quand il me dit
ça, il ne ressent aucune frustration, il est simplement heureux de donner du
plaisir.
Et puis ses yeux se voilent de
larmes quand il me raconte son départ, la vente du restaurant et la séparation
avec le personnel. Je lui ai demandé comment il avait vécu son départ à la
retraite et c’est de la séparation avec son personnel dont il me parle en
retenant son chagrin.
Il me dit : - Tu te rends
compte, ma grande, (à partir de là, il m’appellera tout le temps, ma grande), il
y en a qui étaient avec moi depuis vingt cinq ans !
Je comprends que cet homme devait
être comme un père pour certains. Lui, l’enfant adopté devenu chef, ne supportait pas d’avoir laissé son personnel,
ses enfants.
Je l’écoute, je me dis que je
suis dans ces instants rares que sont les rencontres généreuses.
Tout est généreux chez lui, son volume, ses yeux, sa bouche, son rire et sa voix forte.
La seule certitude que je peux avoir face à ces personnes généreuses, c’est qu’il faut accepter ce qu’ils me donnent car la générosité est l’essence de leur vie. Se défiler et ne pas moi-même ouvrir les bras pour recevoir, serait leur faire affront.
Tout est généreux chez lui, son volume, ses yeux, sa bouche, son rire et sa voix forte.
La seule certitude que je peux avoir face à ces personnes généreuses, c’est qu’il faut accepter ce qu’ils me donnent car la générosité est l’essence de leur vie. Se défiler et ne pas moi-même ouvrir les bras pour recevoir, serait leur faire affront.
J’ai vécu ainsi ces deux journées
à la table d’un grand chef dans une salle à manger d’une modeste maison de
village qui ressemblait plus à « chez la mère à Titi » qu’à la
demeure des Rothschild.
Le dernier jour, quand je suis
rentrée de ma journée de stage, j’ai trouvé Jean-Marc assis devant la télé, les
coudes sur la table et hurlant : - Mais quelle bande de branleurs !!!!
On ne monte pas un sabayon comme ça !!!! C’est pas de la cuisine, c’est du
spectacle !
Il regardait « Dans la peau
d’un chef » sur France 2 en hurlant comme un supporter de rugby devant un
match de tournoi des 6 nations.
Sa femme me dit : - Il
regarde tous les jours et passe une heure à hurler mais je ne peux pas l’en
empêcher.
Je m’assieds à côté de lui, j’aimerais
avoir le temps de rester pour l’entendre commenter et le voir gesticuler devant
l’écran.
Je dois partir, je laisse les commis
de Christophe Michalak dans les mains de Jean-Marc.
J’entends le rire du chef
J’entends le rire du chef
J’ai vécu deux jours « Dans
la vie d’un chef «
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire