« Même si on déballe tout, on dévoile pas grand-chose. »
C’est de Jane Birkin et je le reprends à mon compte, car je l’ai déjà dit, mais avec bien moins de grâce, un jour où une lectrice me disait à propos du livre où je témoigne des adoptions illégales au Sri Lanka : «?Maintenant, je connais tout de vous ! » en lui rétorquant : « Comment pouvez-vous donc prétendre savoir tout de moi ? »
J’avais mis fin plutôt sèchement à la conversation, car j’étais à court d’arguments pour lui expliquer que je ne voulais pas être réduite au personnage féminin que j’incarnais dans ce livre qui n’était pourtant pas une fiction. Au moment où avait eu lieu cette rencontre avec cette lectrice qui semblait tellement heureuse de s’assoir à côté d’une auteure dont elle savait tout, j’étais en train d’écrire le roman « Sa vie ressemblait à un orage » qui au fil de l’écriture prenait malgré moi la forme d’une autofiction. Une autofiction c’est ce genre littéraire que j’aime tellement en tant que lectrice aussi et qui mêle la fiction et l’autobiographie. Partir de faits réels et s’engager dans l’imaginaire pour revenir au réel et ainsi de suite, c’est complètement enivrant pour un écrivain parce que c’est d’une liberté sans égal. C’est une perpétuelle promenade entre nos secrets les plus enfouis et notre imagination la plus débridée avec le sentiment grisant que le lecteur va s’y engager sans faire le tri. Dans son roman « De là, on voit la mer » Philippe Besson l’aborde avec brio par la voix de son personnage principal, Louise, une écrivaine dont il écrit : « Elle s’apprête à retourner écrire. À renouer avec la folie d’inventer des mensonges en espérant que les gens y croiront. » Il écrit aussi à propos de Louise : « C’est cette histoire qu’elle raconte. Pourquoi, elle n’en sait rien. Car elle ne sait pas du tout d’où viennent les histoires, comment elles adviennent. […], et puis un déclic se produit, un accident et l’histoire s’impose, il ne reste plus qu’à l’écrire. »
D’autres écrivains et écrivaines comme Olivier Adam, Hervé Guibert, Cyril Collard, Camille Laurens, Christine Angot, Virginie Despentes, Amélie Nothomb et tant d’autres nous parlent de leurs vies et de leurs chagrins en écrivant des autofictions qu’il serait naïf de lire en cherchant à démêler le vrai du faux puisque tout est vrai, mais qu’il a fallu en passer comme le dit Louise, par une histoire qui s’est imposée, une histoire sans frontière entre le réel et l’imaginaire.
Lorsque j’écris, je suis Louise, celle pour qui l’écriture justifie l’égoïsme, celle qui passe du réel à l’imaginaire pour parvenir à écrire la vérité. Et même si je déballe tout, je sais que je ne dévoile pas grand-chose.
Savoir tout de moi n’intéresse pas le lecteur.
C’est de lui qu’il cherche à savoir.