Un ami vient de m’expliquer combien je suis déconcertante si l’on ne me connaît pas bien.
Il me rappelle ces quelques semaines qu’ils étaient venus passer chez nous en Inde, il y a dix ans, avec sa femme et leur jeune fils. J’étais amie avec sa femme, lui, je le connaissais à peine et inversement, mais il nous avait semblé suffisamment sympathique pour que nous les invitions chez nous dans le sud de l’Inde où nous passions une partie de l’année.
L’appartement que nous y louions était immense et nous invitions régulièrement nos amis ou nos enfants à venir y passer quelques semaines. Nous les logions, nous leur faisions visiter toute cette région de l’Inde que nous connaissons sur le bout des doigts et, pour ceux qui étaient motards, on le faisait à moto.
C’est ainsi que nous avions donc convié mon amie, son mari et leur fils à venir chez nous, en Inde.
Mon amie m’avait bien prévenu qu’il allait falloir qu’elle déploie un arsenal d’arguments pour décider son compagnon. Elle m’avait expliqué que ce dernier n’avait jamais fait de grand voyage et que lui annoncer qu’il allait devoir partir en Inde lui semblait un pari de dingue.
Je me souviens qu’elle m’avait dit : « Le convaincre de partir en voyage c’est déjà mission impossible, mais en Inde ! Tu te rends compte ? »
Je lui avais répondu pour la rassurer, que je me rendais compte, alors que je ne me rendais absolument pas compte, je ne voyais pas le problème.
Dans les semaines qui ont précédé leur départ, au moment où mon amie était parvenue à ses fins et que leurs vols étaient achetés, ils étaient passés chez nous pour finaliser, comme on dit, les derniers détails de leur séjour et j’avais promis de répondre à toutes leurs interrogations. Surtout à celles de Marc.
C’est hier, alors que nous déjeunions ensemble, que Marc me sort : « Tu te souviens, Véro, de ce que tu m’avais répondu, il y a dix ans, quand je t’avais demandé ce qui te semblait l’information la plus importante à me communiquer en vue de notre séjour chez vous en Inde ?
— Non, je ne m’en souviens pas ! »
Je me demande bien ce que j’avais pu lui répondre, je n’ai même aucun souvenir qu’il m’eût posé cette question. Et, Marc poursuit avec le plus grand sérieux :
« Eh bien, tu m’as répondu : “je suis très pointilleuse sur les éponges”, c’est ce que tu m’as répondu, Véro ! C’est ce que tu m’as répondu alors que je me faisais un sang d’encre à l’idée de partir en Inde et me posais mille questions angoissantes, tu me réponds sans rire que tu es très pointilleuse sur les éponges ! C’est à partir de là que je me suis dit : si, pour Véro, c’est qu’une question d’éponge, je vais pas me poser d’autres questions, je vais en rester là, je vais m’en tenir à l’éponge. »