jeudi 25 août 2022

la séance photo avec mon assistant.

 


Quand un livre est publié, il se met en route une machine qui vous échappe. C’est ce que je découvre au fil des mois depuis que j’ai rencontré City Éditions la maison d’édition qui a choisi de faire le pari sur moi en me soutenant et je les en remercie encore. 

Dans cette machine qui se met en route, il y a comme toujours les moments agréables et ceux qui le sont moins. Je ne vais vous parler que des moments agréables comme celui d’être reçue dans sa librairie telle une personne faisant partie de la famille ou celui d’avoir un gentil attaché de presse qui vous dit, ne vous inquiétez pas, je m’occupe de tout et on va bien travailler ensemble. 

Mais pour travailler ensemble, il faut quand même que je lui fournisse de la matière, lire mon livre ne suffit pas pour organiser sa promo. 

Et hier matin, il m’a annoncé, il me faut des photos. Et là, soudain, je réalise que les photos que je ressors à chaque occasion ont déjà trois ans et que je ne peux pas les recycler éternellement. Grosse angoisse, car je suis arrivée à un âge où les photos, ça fait très peur et d’autant plus peur que j’en ai énormément fait depuis l’âge de quinze ans et pendant des décennies sans me poser aucune question, sans même vérifier ce que le photographe faisait, mais aujourd’hui je veux non seulement vérifier, mais contrôler. 

Et puis on vieillit, et plus je vieillis pour le dire avec un peu plus de courage, et moins j’ai de courage pour me mettre devant un objectif. 

Philippe, mon ami photographe est en vacances, il va falloir compter sans lui, il va falloir compter uniquement sur Jno, c’est à dire surtout sur moi et notre capacité à ne pas nous engueuler. 

Jno ne sait utiliser que son iPhone et prétend que depuis que je suis passée de Canon à Fuji, il est devenu impossible pour lui de prendre une photo avec mon appareil photo. Mais il m’a dit, on va le faire, on va y arriver si tu me prépares tout. 

Nous avons donc tout préparé, le grand fond noir qui dans notre nouvel appartement est très facile à placer sur de grosses tringles de placard qui font face à deux fenêtres qui procurent une jolie lumière en fin d’après-midi. L’installation du studio a été assez facile, c’était à notre portée. 

Dans son rôle d’assistant presse-bouton, Jno est parvenu à monter le trépied tout seul, je n’ai plus eu qu’à y fixer mon boîtier. 

Tout était prêt pour la prise de vues, il ne manquait que le sujet. 

Le sujet déjà un peu fatigué par sa journée et par anticipation de ce qui l’attendait est passé à la salle de bain pour se regarder dans le miroir et évaluer l’amplitude des dégâts et des améliorations envisageables. Mise en œuvre rapide des améliorations, mise en condition psychologique pour se dire qu’on est arrivé au maximum des améliorations et que ce qui n’a pas passé le cap est dû au bonus de la vieillesse, la sagesse, ils disent et le sujet s’en persuade avant de ressortir de la salle de bain et de se présenter face à l’objectif. 

Avant de me présenter à mon assistant presse-bouton, j’avais enfilé une tenue neutre pour éviter de renouveler la bourde de la robe qui boudine. 

J’ai commencé par placer mon assistant sur l’escabeau dos au fond noir afin de régler la focale, la hauteur du cadrage et prendre une photo en exemple pour lui montrer ce que j’attendais de lui. 

À mon tour, je me suis assise sur l’escabeau, il m’a regardée et m’a demandé si je ne crevais pas de chaud avec mon pull en pur cachemire et mes épais collants. J’ai dit si, mais c’est ce que j’ai de mieux en noir. Je voulais être noir sur noir, nous avions déjà réalisé ce type de photo, il y a trois ans et j’aime le rendu. 

Et on a commencé. J’ai dû expliquer à mon assistant qu’on ne pressait pas un déclencheur comme une brute, et que même si le boîtier était monté sur un trépied, on passait délicatement sa main dessous quand on déclenchait. 

Les premiers résultats sont décevants, j’ai plein de reflets mordorés dans mes verres de lunettes. Je décide alors de faire les photos sans lunettes, mais ça ne va pas non plus, ce n’est plus vraiment moi et ça me donne une tête de vieille vraiment vieille. 

Je ne comprends pas pourquoi quand j’ai fait les essais avec Jno, il n’y a pas eu de reflets dans ses verres alors qu’il est exactement placé au même endroit que moi et que j’ai payé mes verres aussi cher que les siens. Jno trouve une explication qui semble plausible, même si nous n’en avons pas la preuve scientifique, en m’expliquant que nous n’avons pas du tout la même correction, lui depuis son opération a une correction de rien du tout alors que moi, j’ai des verres plus épais et sans doute une courbure qui perturbe la lumière. 

Qu’à cela ne tienne, puisque ses verres ne causent pas de reflets perturbants, je vais chausser ses lunettes pour les photos. Nous avons chacun des montures rondes et personne n’y verra que du feu, surtout moi qui n’y vois vraiment plus rien face à l’objectif et fais confiance les yeux fermés à mon assistant appliqué et concentré. 

Je reconnais que le coup de l’échange des lunettes, même un pro ne l’aurait pas osé. 

Au bout de trente minutes de prise de vues, on est satisfaits de ce que l’on voit sur l’écran de l’appareil de photo et j’annonce à mon assistant que je le libère. Je suis surtout pressée d’enlever mon pull en pur cachemire et mes épais collants. 

Verdict final devant l’écran de mon mac, ça va. 

Ça ira encore pour cette fois.