Dans quelques jours on se re-aimera.
Je pense que ce sera le lundi 8 mai quand le dimanche 7 mai sera passé.
Tout ne sera pas fini mais notre méfiance de l’autre en face, de celui qui est à côté, n’aura plus de mise puisque les résultats seront tombés et que je m’efforce de croire que les Français ne sont pas suffisamment crétins pour nous avoir embarqués dans l’absurde folie du FN.
Il y a encore dix jours à faire passer, dix longues journées à se supporter déjà soi-même avant de supporter les autres. Dix jours que je vais faire passer sans supporter aucun candidat avec juste la conviction qu’il ne faut pas laisser l’extrême droite fasciste prendre le pouvoir en France et aller voter pour le candidat qui est en face et qui n’est pas un fasciste.
Il ne faut pas se tromper de combat et mélanger les dates.
Le 7 mai on vote contre le FN en mettant un bulletin Emmanuel Macron.
Après on verra et je préfère aller manifester contre Macron que contre Le Pen.
Je parle et écris à un mur d’angoisse qui s’est dressé face à moi.
Mon choix du premier tour était dans la même détermination et je croyais que ce dimanche 23 avril marquerait le terme du plus difficile et que ces deux semaines à venir seraient des moments d’unité.
Ce lundi, lendemain du premier tour de la présidentielle, je n’ai pas mis bien longtemps à réaliser que la déferlante était sur nous et que je n’avais plus la peau assez dure pour résister.
Facebook s’est soudain mis en colère, les profils débordaient de cris hystériques et haineux et ça m’a fait peur. Je me suis retrouvée découragée à pleurer devant l’écran et je me suis dit que quand on avait mal à ce point, il fallait couper la transmission du mal. On ne soigne pas, mais provisoirement on débranche pour éviter de souffrir. Alors j’ai débranché ma douleur.
Je suis allée regarder la procédure pour supprimer son compte et j’ai vu que cette suppression pouvait être provisoire. Alors j’ai supprimé mon compte.
J’ai pensé aux amis que j’aime vraiment et que je retrouve presque quotidiennement, ça crée des liens quand même … J’ai hésité car je sais que ce silence que je m’impose est dans les deux sens. Mon silence sera aussi leur silence, c’est le prix à payer.
Mais j’ai supprimé mon compte malgré tout.
Depuis lundi, je m’abrutis à peindre. J’ai cette immense chance que mes mains savent faire des choses qui abrutissent mon cerveau, je peux aller chercher très loin pour abrutir mes neurones.
Je pense que ce sera le lundi 8 mai quand le dimanche 7 mai sera passé.
Tout ne sera pas fini mais notre méfiance de l’autre en face, de celui qui est à côté, n’aura plus de mise puisque les résultats seront tombés et que je m’efforce de croire que les Français ne sont pas suffisamment crétins pour nous avoir embarqués dans l’absurde folie du FN.
Il y a encore dix jours à faire passer, dix longues journées à se supporter déjà soi-même avant de supporter les autres. Dix jours que je vais faire passer sans supporter aucun candidat avec juste la conviction qu’il ne faut pas laisser l’extrême droite fasciste prendre le pouvoir en France et aller voter pour le candidat qui est en face et qui n’est pas un fasciste.
Il ne faut pas se tromper de combat et mélanger les dates.
Le 7 mai on vote contre le FN en mettant un bulletin Emmanuel Macron.
Après on verra et je préfère aller manifester contre Macron que contre Le Pen.
Je parle et écris à un mur d’angoisse qui s’est dressé face à moi.
Mon choix du premier tour était dans la même détermination et je croyais que ce dimanche 23 avril marquerait le terme du plus difficile et que ces deux semaines à venir seraient des moments d’unité.
Ce lundi, lendemain du premier tour de la présidentielle, je n’ai pas mis bien longtemps à réaliser que la déferlante était sur nous et que je n’avais plus la peau assez dure pour résister.
Facebook s’est soudain mis en colère, les profils débordaient de cris hystériques et haineux et ça m’a fait peur. Je me suis retrouvée découragée à pleurer devant l’écran et je me suis dit que quand on avait mal à ce point, il fallait couper la transmission du mal. On ne soigne pas, mais provisoirement on débranche pour éviter de souffrir. Alors j’ai débranché ma douleur.
Je suis allée regarder la procédure pour supprimer son compte et j’ai vu que cette suppression pouvait être provisoire. Alors j’ai supprimé mon compte.
J’ai pensé aux amis que j’aime vraiment et que je retrouve presque quotidiennement, ça crée des liens quand même … J’ai hésité car je sais que ce silence que je m’impose est dans les deux sens. Mon silence sera aussi leur silence, c’est le prix à payer.
Mais j’ai supprimé mon compte malgré tout.
Depuis lundi, je m’abrutis à peindre. J’ai cette immense chance que mes mains savent faire des choses qui abrutissent mon cerveau, je peux aller chercher très loin pour abrutir mes neurones.
Je veux simplement m’abrutir pour ne pas entendre les
abrutis.
Je deviens désagréable et agressive. Alors je peins pour tuer mon incompréhension.
Je pense depuis ces dernières semaines à un homme qui est vraisemblablement selon mes calculs, mort aujourd’hui ou alors il est très très vieux !
Cet homme, c’est l’instituteur que j’ai eu en CM2. On était en 1965 et on disait aussi la douzième il me semble. Je me souviens de son nom, je crois qu’il s’appelait Monsieur Mazard. Tout cela est flou mais par contre ce qu’il nous a raconté cet après midi là est resté gravé, tatoué dans ma mémoire de petite fille et de femme maintenant
Un après midi, il nous a dit qu’il allait nous parler de ce qui était arrivé aux juifs pendant la guerre et il s’est mis à parler, à raconter, à tout nous raconter.
Je me souviens que nous étions tous silencieux. On ne posait pas de questions, il n’y avait que lui qui parlait.
Nous étions une classe de garçons et de filles entre dix et douze ans et les horreurs dont il nous parlait ne dataient que d’un peu plus de vingt ans. Chaque fois que je repense à cet après midi et au récit de notre instituteur, je me dis que ça ne faisait pas longtemps que l’horreur de la déportation avait eu lieu. Sans doute que notre instituteur l’avait vécue comme témoin direct. Nous ne pouvions pas le réaliser dans notre courte histoire d’enfant, mais ce que nous comprenions tous, c’est qu’il nous parlait comme à des adultes, il ne prenait plus de précautions pour décrire ce qui bouffait sa vie.
Je n’avais que dix ans mais je réalisais bien qu’en nous prenant ainsi à témoins et en nous disant : - « vous devez savoir pour que cela ne se reproduise jamais » qu’il devait un peu enfreindre les limites de ce qu’un instituteur a le droit de raconter à des enfants de dix ans.
Je me souviens que les parents d’élèves avaient dû être informés de sa démarche et que sans doute on l’avait jugée un peu trop directe pour des jeunes enfants. Mes parents avaient dit qu’il devait être communiste. Je ne savais pas trop ce que pouvait signifier ce mot puisque je n’avais fréquenté que les écoles de curés et de bonnes sœurs et que mon année de douzième marquait mon entrée dans l’école publique de la république. Sans doute un manque de financement avait forcé mes parents à se résoudre à devoir envoyer leur fille frayer avec le peuple à l'école communale.
C’est ainsi que j’ai eu cette chance d’avoir cet instituteur (peut-être communiste) qui m’aura raconté la shoah pendant un après midi.
La shoah, même juste racontée, ça laisse des traces à dix ans.
Ces traces sont là, cinquante ans plus tard, toujours aussi cinglantes et traumatisantes. C’est aussi pour cela que je pense qu’il ne faut pas toujours protéger les enfants des récits que l’on pense traumatisants, c’est parce que mon instituteur ne nous a pas ménagés que depuis mes dix ans je me souviens de la shoah et qu'à dix ans je savais ce que le mot fasciste voulait dire.
Trente ans plus tard, mon fils ainé m'a mis "Si c'est un homme" de Primo Levi entre les mains. J'ai compris une deuxième fois.
Depuis ces dernières semaines et surtout depuis dimanche je pense très fort à Monsieur Mazard et ses horribles récits de wagons, de familles séparées, de chambres à gaz… De tous les détails dont il ne nous faisait pas grâce comme pour lui-même se libérer d’un poids.
Aujourd’hui la menace est revenue, sur la photo elle pose la cuisse aguichante et drague les insoumis.
Je deviens désagréable et agressive. Alors je peins pour tuer mon incompréhension.
Je pense depuis ces dernières semaines à un homme qui est vraisemblablement selon mes calculs, mort aujourd’hui ou alors il est très très vieux !
Cet homme, c’est l’instituteur que j’ai eu en CM2. On était en 1965 et on disait aussi la douzième il me semble. Je me souviens de son nom, je crois qu’il s’appelait Monsieur Mazard. Tout cela est flou mais par contre ce qu’il nous a raconté cet après midi là est resté gravé, tatoué dans ma mémoire de petite fille et de femme maintenant
Un après midi, il nous a dit qu’il allait nous parler de ce qui était arrivé aux juifs pendant la guerre et il s’est mis à parler, à raconter, à tout nous raconter.
Je me souviens que nous étions tous silencieux. On ne posait pas de questions, il n’y avait que lui qui parlait.
Nous étions une classe de garçons et de filles entre dix et douze ans et les horreurs dont il nous parlait ne dataient que d’un peu plus de vingt ans. Chaque fois que je repense à cet après midi et au récit de notre instituteur, je me dis que ça ne faisait pas longtemps que l’horreur de la déportation avait eu lieu. Sans doute que notre instituteur l’avait vécue comme témoin direct. Nous ne pouvions pas le réaliser dans notre courte histoire d’enfant, mais ce que nous comprenions tous, c’est qu’il nous parlait comme à des adultes, il ne prenait plus de précautions pour décrire ce qui bouffait sa vie.
Je n’avais que dix ans mais je réalisais bien qu’en nous prenant ainsi à témoins et en nous disant : - « vous devez savoir pour que cela ne se reproduise jamais » qu’il devait un peu enfreindre les limites de ce qu’un instituteur a le droit de raconter à des enfants de dix ans.
Je me souviens que les parents d’élèves avaient dû être informés de sa démarche et que sans doute on l’avait jugée un peu trop directe pour des jeunes enfants. Mes parents avaient dit qu’il devait être communiste. Je ne savais pas trop ce que pouvait signifier ce mot puisque je n’avais fréquenté que les écoles de curés et de bonnes sœurs et que mon année de douzième marquait mon entrée dans l’école publique de la république. Sans doute un manque de financement avait forcé mes parents à se résoudre à devoir envoyer leur fille frayer avec le peuple à l'école communale.
C’est ainsi que j’ai eu cette chance d’avoir cet instituteur (peut-être communiste) qui m’aura raconté la shoah pendant un après midi.
La shoah, même juste racontée, ça laisse des traces à dix ans.
Ces traces sont là, cinquante ans plus tard, toujours aussi cinglantes et traumatisantes. C’est aussi pour cela que je pense qu’il ne faut pas toujours protéger les enfants des récits que l’on pense traumatisants, c’est parce que mon instituteur ne nous a pas ménagés que depuis mes dix ans je me souviens de la shoah et qu'à dix ans je savais ce que le mot fasciste voulait dire.
Trente ans plus tard, mon fils ainé m'a mis "Si c'est un homme" de Primo Levi entre les mains. J'ai compris une deuxième fois.
Depuis ces dernières semaines et surtout depuis dimanche je pense très fort à Monsieur Mazard et ses horribles récits de wagons, de familles séparées, de chambres à gaz… De tous les détails dont il ne nous faisait pas grâce comme pour lui-même se libérer d’un poids.
Aujourd’hui la menace est revenue, sur la photo elle pose la cuisse aguichante et drague les insoumis.
Mes cauchemars se sont déplacés et mes nuits sont peuplés
par des ministères imaginaires dans
lesquels Menard serait à l’Intérieur, Collard à la Justice …
Dimanche 7 mai, j’irai voter Emmanuel Macron en pensant très fort à Monsieur Mazard mon instituteur (sans doute communiste), en espérant qu’il y a eu d’autres Monsieur Mazard pour venir raconter à ses petits élèves qu’il suffit de pas grand-chose pour que le monde s’emballe complètement quand il commence déjà à dérailler sérieusement …
Monsieur Mazard, si vous saviez … Monsieur Mazard, dites-leur qu’il faut qu’on se re-aime.
Dimanche 7 mai, j’irai voter Emmanuel Macron en pensant très fort à Monsieur Mazard mon instituteur (sans doute communiste), en espérant qu’il y a eu d’autres Monsieur Mazard pour venir raconter à ses petits élèves qu’il suffit de pas grand-chose pour que le monde s’emballe complètement quand il commence déjà à dérailler sérieusement …
Monsieur Mazard, si vous saviez … Monsieur Mazard, dites-leur qu’il faut qu’on se re-aime.